Une idée à l'occasion de la Journée internationale de la biodiversité. Arrêtons de parler de la biodiversité uniquement en termes de préservation, comme s'il s'agissait d'artéfacts poussiéreux qu'il faut mettre à l'abri, sous globe, pour être bien sûr qu'ils ne s'abîment pas au contact de la «vraie vie».

La biodiversité, par définition, est vivante. Elle évolue, au gré de son environnement. Constamment, de nouvelles espèces apparaissent, disparaissent, mutent. Chaque jour, la biodiversité se crée. C'est l'histoire de la vie. Et nous, êtres humains, nous sommes un des acteurs de cette création collective, permanente et évolutive.

Vouloir préserver la biodiversité est théoriquement un non-sens. Et j'insiste sur la notion de théorie. La biodiversité est censée s'autoréguler mais, dans les faits, elle est véritablement menacée. Nous sommes au coeur d'une période massive d'extinction. Ce n'est pas la première de l'histoire de la Terre. Sa particularité, et c'est là que se situe la nouveauté, c'est qu'elle est essentiellement causée par l'activité d'une espèce: la nôtre.

La remise en question du terme « préserver » peut a priori paraître sémantique. L'important n'est-il pas le résultat ? Que cesse l'hémorragie ? Que les individus protègent leur environnement ? Probablement. Pourtant, ce mot résume à lui seul tout le rapport que nous avons de nos jours avec la nature. Une relation basée sur la dissociation.

Notre intelligence nous a permis de développer de nouveaux outils, de nouvelles technologies, qui nous ont permis d'assurer notre bien-être, et, au-delà de ça, de répondre à des besoins que nous avons créés de toute pièce. Nous nous sommes distingués des autres espèces, et avons peu à peu oublié que nous faisions nous-mêmes partie de la nature, allant jusqu'à assujettir cette dernière à nos moindres désirs, toujours plus nombreux. Nous avons oublié que nous étions nous-mêmes une espèce et qu'au même titre que les millions d'espèces existantes nous participions à l'équilibre du vaste système auquel nous appartenons tous et qui assure notre survie. Bref, aussi intelligent que nous soyons, nous hypothéquons notre propre pérennité.

Mon opinion est que, pour rétablir la situation et nous donner un maximum de chances d'évoluer de manière « naturelle », il est indispensable que nous repensions le lien qui nous unit à la nature, que nous nous reconnections à la réalité, que nous nous réconciliions avec notre état d'espèce biologique et l'assumions. Malgré tout ce qui nous différencie - et qui, en passant, nous confère un certain devoir de responsabilité -, nous devons accepter le fait d'être partie intégrante de la nature, rester humble vis-à-vis de ce qu'elle nous offre pour continuer à avancer, et garder les pieds sur terre.

Prendre conscience de l'étendue du vivant et de la manière dont nous agissons sur lui, de ce qu'il nous apporte aussi, reconnaître l'importance de la diversité, est une condition nécessaire pour assurer la cohésion du monde complexe auquel nous appartenons ; c'est influencer son avenir, notre avenir, de manière constructive.

La biodiversité est plus qu'un enjeu majeur de notre siècle. Elle est au coeur même de la manière dont nous vivrons notre avenir. À nous maintenant d'y mettre un peu du nôtre et de l'inventer ! Cet happening est notre plus grand défi collectif. Nous devons sans tarder nous y atteler.

L'auteur est directeur général des Muséums nature (Biodôme, Insectarium, Jardin botanique, Planétarium).