Pourquoi ne parle-t-on pas des causes de la grippe A (H1N1), que ce soit au Mexique ou à l'échelle internationale? Certaines explications circulent, mais aucune d'elle n'est considérée comme concluante. Au Mexique, depuis mars, plusieurs personnes ont lancé des cris d'alarme dans la communauté La Gloria (Veracruz), où 60% de la population est atteinte d'une maladie respiratoire.

Près de cette communauté, la filiale transnationale Carolla élève annuellement près d'un million de porcs. Cette usine a quitté les États-Unis parce qu'elle ne respectait pas les lois environnementales. Les lagunes d'oxydation, où des tonnes de déchets s'entassent à ciel ouvert et où il n'y a pas de membranes écologiques empêchant l'infiltration des nappes phréatiques, pourraient être le bouillon de culture de nouveaux virus.

Que ces lagunes soient ou non liées à l'apparition du virus A H1N1, on devrait réfléchir aux conditions actuelles de production et retourner aux manières de faire des paysans que l'on a remplacés par la production massive des transnationales.

Selon une autre thèse qui circule au Mexique, le virus aurait été conçu dans les laboratoires militaires du Texas. Quoi qu'il en soit, les informations données par les médias au Mexique et ailleurs ont provoqué une épidémie de panique.

Les formes de transmission du virus ont bien été expliquées et la population mexicaine a suivi les consignes pour éviter la propagation. Mais l'information nécessaire pour mieux comprendre les sources de la contamination n'existe pas encore.

Les familles touchées n'ont pas fait l'objet d'une enquête. Les personnes mortes du fait du virus A (H1N1) ont certes été comptabilisées, mais l'analyse de leur contexte social et économique n'a pas été réalisée. Pourtant, pour être en mesure de prévenir une pandémie, il faut analyser en profondeur les causes et le contexte.

Cette situation lève le voile d'une part sur l'impossibilité dans le modèle néolibéral qui prévaut au Mexique de faire produire les vaccins par les institutions publiques de santé et de recherche et de les distribuer gratuitement. D'autre part, elle montre de la dépendance du pays à l'égard des transnationales pharmaceutiques pour qui la crise sanitaire a été profitable.

La crise sanitaire du Mexique vient s'ajouter à la crise économique et à la crise sécuritaire. Quelles en sont les conséquences pour le Mexique? Les crises économique et sociale vont continuer de s'approfondir. Le gouvernement était-il dans l'incapacité de faire face à la crise économique? Pourquoi le FMI a-t-il octroyé un crédit de 47 milliards de dollars? Pourquoi le gouvernement a-t-il « attendu » la crise sanitaire pour annoncer la vraie crise économique du pays?

La crise sanitaire est un reflet de la crise économique du pays : le Mexique n'a pas l'infrastructure sanitaire ni médicale pour gérer une épidémie. Une partie des prêts sera utilisée pour acheter les médicaments mais pas pour créer des infrastructures de long terme. Les conséquences économiques des crédits octroyés vont être épouvantables et à nouveau, la population devra payer la dette extérieure.

Pire que le virus A (H1N1), il y a le virus du manque d'information et celui de la méfiance.

L'auteure est titulaire de la Chaire d'études du Mexique contemporain à l'Université de Montréal.