Pierre-Olivier Pineau affirme que l'opposition à l'augmentation de la production et du transport d'hydrocarbures est contre-productive et que seule une réduction de la consommation permettra d'atteindre nos objectifs climatiques.

>>> Lire le texte de Pierre-Olivier Pineau, « Hydrocarbures : une opposition contre-productive », publié mardi.

Malheureusement, il s'agit là d'un sophisme, celui du faux dilemme, qui nous empêche de voir l'enjeu climatique et ses solutions dans toute leur complexité. 

Le Canada s'est fixé une cible de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 30 % par rapport au niveau de 2005, une cible largement insuffisante pour atteindre l'objectif de l'accord de Paris, qui est de limiter le réchauffement planétaire sous les 2 degrés, voire sous 1,5 degré. La cible canadienne porterait les émissions totales du pays à 513 mégatonnes (Mt).

Or, selon le scénario d'émissions publié par le gouvernement du Canada en 2016, les émissions du secteur de production des hydrocarbures atteindront 211 Mt en 2030 et représenteront à elles seules plus de 40 % des émissions du Canada, l'équivalent de près de trois fois les émissions totales du Québec. 

Trop peu

Imaginons un instant que nous choisissions de n'intervenir que sur la consommation au pays, comme le suggère M. Pineau. Nous pourrions éliminer tous les véhicules à essence du pays, ce qui nous permettrait de réduire les émissions de 173 Mt. Ce serait encore trop peu pour atteindre notre cible.

Nous pourrions aussi éliminer les émissions de toutes les provinces et les territoires du Canada à l'exception de la Saskatchewan, de l'Alberta et de l'Ontario. Encore une fois, ce serait trop peu.

Dans les faits, force est de constater que la croissance des émissions dans le secteur pétrolier et gazier a effacé tous les efforts de réduction réalisés dans les autres secteurs de l'économie ces dernières années. 

On pourra argumenter qu'une réduction draconienne de la consommation d'hydrocarbures au pays mènerait à une réduction de la production. En fait, comme la demande canadienne ne représente qu'une infime partie de la demande mondiale, l'industrie pourrait poursuivre son expansion en exportant vers d'autres marchés.

Elle devrait pour ce faire tabler sur de nouveaux oléoducs, des infrastructures de transport qui n'ont aucune incidence sur la production aux yeux de M. Pineau et auxquelles on aurait tort de s'opposer. Ce serait ignorer que quel que soit l'endroit où sont émis les GES, ils touchent le climat de la planète. Pour fermer le robinet des émissions, il faut s'attaquer aux origines de la production. 

M. Pineau omet aussi de dire que l'industrie canadienne des hydrocarbures est subventionnée à coup de milliards chaque année à même les fonds publics, comme il omet de mentionner que le pétrole canadien est le plus cher et le plus polluant à produire au monde, qu'il a le plus faible retour sur l'investissement énergétique et que sur le plan de la logique économique comme environnementale, il devrait être le premier à être laissé sous terre. Il omet finalement de dire qu'une réduction de la production dans le monde aurait pour effet d'augmenter le prix du pétrole, ce qui encouragerait une réduction de la consommation. L'OPEP nous en a plus d'une fois donné la leçon. 

Les chiffres ont la tête dure. Il est impossible pour le Canada d'atteindre sa cible de réduction des GES, et encore moins les cibles de l'accord de Paris, sans réduire la production d'hydrocarbures.

Fermer les yeux sur les émissions du secteur des hydrocarbures pour faire reposer la totalité de l'effort climatique du côté de la consommation n'est ni efficace ni équitable.

Ce faux dilemme n'est qu'une manière de plus d'exempter l'industrie pétrolière et gazière de ses responsabilités envers l'avenir de notre climat et de nos enfants.