L'interpellation de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) par le Tribunal administratif du travail (TAT) est révélateur du manque de valorisation sociale qu'on accorde aux infirmières. 

L'interpellation fait suite à l'appel de la FIQ à une journée nationale sans heures supplémentaires obligatoires. Les infirmières de partout au Québec témoignent depuis déjà plus d'un an de l'utilisation des heures supplémentaires obligatoires comme mode de gestion quotidienne plutôt qu'exceptionnelle. 

Circonstances exceptionnelles

Les heures supplémentaires obligatoires, à l'origine, se voulaient une mesure pour s'assurer de services essentiels en santé en cas de circonstances exceptionnelles : par exemple, lors de la tragédie à Lac-Mégantic ou lors de la tornade à Gatineau l'an dernier. Il y a des circonstances indépendantes de la volonté des milieux de la santé qui peuvent causer des demandes accrues de soins et il faut alors répondre à la demande. 

Lors de ces événements, rares sont les infirmières qui ont refusé de rester. En fait, de nombreuses infirmières se sont mobilisées de façon entièrement bénévole lors de ces catastrophes. On n'a pas eu besoin d'avoir recours aux heures supplémentaires obligatoires. Comme infirmières, c'est notre travail de répondre aux besoins de la population, et ce genre de situation fait souvent ressortir le meilleur des professionnelles de soins. Le courage, l'empathie, le professionnalisme, ce sont ces valeurs qui nous guident pour aider nos patients et leurs familles à passer à travers des moments aussi difficiles. 

Les heures supplémentaires obligatoires dont on entend parler ces derniers temps ne sont pas causées par des catastrophes naturelles ou des tragédies routières.

Les heures supplémentaires obligatoires que les infirmières ont collectivement décidé de refuser lundi prochain sont le résultat de deux décennies de coupes brutales dans le système de la santé et de la planification désastreuse de la dotation qui s'en est suivie.

Des politiciens et des gestionnaires en santé on pris des décisions aux conséquences lourdes dont la responsabilité est maintenant presque entièrement assumée pas les infirmières soignantes à travers l'imposition d'heures supplémentaires obligatoires.

En violation de la Charte

Dans cette optique, je crois qu'il est facile d'argumenter que les heures supplémentaires obligatoires telles qu'elles sont utilisées actuellement sont en flagrante violation de la Charte canadienne des droits et libertés. 

Les valeurs défendues par le Tribunal administratif du travail sont « l'accès à la justice, l'impartialité, l'écoute et le respect ». Bien que l'interpellation de la FIQ par le TAT soit légitime, je me demande où était ce dernier ces 15 derniers mois. Non seulement l'utilisation abusive des heures supplémentaires obligatoires est une violation des droits des travailleurs, mais toute la recherche qui s'est penchée sur le phénomène montre que c'est également un danger pour les patients. 

Je ne prétends pas être experte en loi, alors il y a probablement des raisons fort logiques à cela. Mais force est de constater que c'est la revendication d'un droit plutôt que la violation d'un droit qui a fait intervenir le TAT. 

C'est vrai qu'il y a une pénurie, mais les heures supplémentaires obligatoires n'est pas la réponse à cette pénurie. Il y a des milliers d'infirmières en congé de maladie et le TSO est un des facteurs pour l'épuisement professionnel et les blessures. Combien faudra-t-il d'infirmières en maladie avant de se sortir la tête du sable ? Il faut briser le cycle. 

Je vous invite à appuyer les infirmières et leurs collègues qui refuseront les heures supplémentaires obligatoires lundi prochain. Il en va de notre santé et de la vôtre.

Il faut voir plus loin que le bout de son nez. C'est bien beau d'avoir assez d'infirmières ce week-end parce qu'elles ont été forcées de rester, mais dans cinq ans, dans dix ans, combien en restera-t-il qu'on pourra encore forcer à faire des heures supplémentaires obligatoires ?