Puisque je n'ai pas le goût d'écrire sur un sujet sérieux en cette semaine qui marque selon mon calendrier le véritable début du temps des Fêtes, je vous offre ce chewing-gum pour l'esprit. Une chronique d'opinion dans laquelle il n'y a aucune opinion. Il vaut mieux parfois prêter à sourire que donner à réfléchir, disaient les Nuls.

Évidemment, comme je n'ai pas grand-chose à dire, je vais, vous l'aurez deviné, appeler à la rescousse ce grand-père qui me met souvent des mots dans la bouche et qui, de son paradis, va bientôt m'envoyer une mise en demeure pour réclamer ses droits d'auteurs.

En vérité, j'ai bien embelli mon grand-père parce qu'il s'enfargeait très souvent dans sa propre sagesse. Avec ses quatre femmes légales à ses côtés, ce polygame n'hésitait pas à jouer au grand professeur auprès des petits-enfants quand venait le temps de parler de préparation au mariage. Lorsqu'il a vu la testostérone posséder nos corps d'adolescents, il nous a enseigné plusieurs choses.

Entre autres, lorsque vient le temps de se marier, devant l'embarras du choix, la plupart des gens font malheureusement le choix de l'embarras. Dans ce cas, disait-il, une sagesse ancienne reconnaît trois étapes universelles dans le mariage : la première année, l'homme parle et la femme écoute ; la deuxième année, la femme parle et l'homme écoute ; mais quand arrive la troisième année, tous les deux crient et ce sont les voisins qui écoutent !

LA THÉORIE DES CLÉS

Cependant, de toutes les théories de mon grand-père, ma préférée demeure la théorie des clés. Elle stipulait que l'homme et la femme sont semblables à un système de clés et de serrures, et qu'il faut rencontrer la bonne clé pour la bonne serrure pour espérer une longévité conjugale. Un jour, alors qu'il répétait cette sempiternelle sagesse, mon frère l'a interrompu en disant : « Ça fait des années, grand-père, que tu nous casses les oreilles avec ta théorie des clés ! Si je comprends bien ce que tu veux nous dire, dans cette famille, il y avait un seul passe-partout, et c'est toi qui l'as eu ! »

Il avait beau jouer les grands griots notre aïeul, ça n'a pas empêché une de ses épouses de prendre la clé des champs avec un autre homme.

Et mon frère de démontrer que la clairvoyance n'avait pas d'âge : « Je pense qu'à partir d'aujourd'hui, avait-il lancé à mon grand-père, tu comprendras un peu mieux pourquoi quand on achète un cadenas, il vient toujours avec deux clés. »

J'essaie depuis longtemps de convaincre les hommes québécois que la polygamie rime souvent avec chaos familial, mais ils me répondent majoritairement qu'ils sont prêts à prendre le risque. Pourtant, si la polygamie arrivait au Québec, elle serait rapidement problématique pour les gars. En cause, avec quatre femmes, M. Tremblay se retrouverait très vite avec un syndicat dans sa propre maison. Et quand la FTQ débarque, finies les escapades avec la petite dernière parce qu'il faut respecter l'ancienneté !

Je crois que l'homme québécois gagnerait à garder sa monogamie répétitive qui est aussi, il faut le reconnaître, une forme de polygamie en différé.

Cette façon de faire permet aussi aux femmes d'avoir autant de conquêtes que les mâles. Ce qui est très bien pour l'égalité entre les sexes, car la polygamie est une création des hommes pour les hommes et presque toujours contre les femmes.

De toute façon, la polygamie est passible de quelques années de prison au Canada comme dans plusieurs autres pays occidentaux. Même si je crois que c'est une bonne chose, je pense aussi qu'avec quatre belles-mères à ses trousses, les juges devraient considérer que le mari purge déjà une peine de perpétuité dans la collectivité. Comme j'ai la meilleure belle-mère au monde, je dois ici m'excuser auprès de Danielle pour ce sérieux manque de délicatesse.

L'humain est-il monogame, polygame, polyandre ou les trois en même temps ? C'est avec cette grande et délicate question à laquelle vous voudrez certainement répondre pendant ces nombreux partys de bureau souvent porteurs de frasques conjugales que s'achève mon chewing-gum pour l'esprit.