Les médias ont récemment évoqué la création d'un Institut d'excellence en éducation qui aurait pour but de faire des recherches afin d'informer les milieux éducatifs des « meilleures pratiques » basées sur des données « probantes » (mots chéris ces derniers temps) et d'offrir de la formation.

Pourtant, les recherches et la formation en éducation existent déjà. Cela n'est-il pas le mandat des universités ? Pourquoi, alors que les budgets consacrés aux recherches de celles-ci et à leur diffusion ont diminué, vouloir créer une autre entité ? Pourquoi injecter de l'argent dans une nouvelle structure alors que des institutions consacrées à ces objectifs sont exsangues ? Il me semble que plusieurs voix sont nécessaires pour éclairer le monde de l'éducation. Je crains que cet institut n'encourage que certains types de recherches (surtout quantitatives) et ne défende que certaines positions tout en contrôlant le discours.

La multiplicité des universités et leurs chercheurs nous garantissent une variété de perspectives qui permettent d'enrichir la réflexion, de nuancer les propos et de mieux orienter les décisions.

Je crois que cette nouvelle structure risque d'être monopolisée par certains groupes déjà très médiatisés et que des études valables seront écartées.

Je me méfie de l'uniformisation des recherches dans cet institut et du contrôle qu'il pourra exercer sur les problèmes qui y seront étudiés. Je redoute surtout que les « résultats » des recherches de cet institut ne déterminent des pratiques prescrites dans les écoles et au préscolaire comme s'il n'y avait qu'une seule voie, une vérité et une seule solution applicable à tous les milieux, tous les enfants et tous les problèmes locaux.

Les enseignants deviendraient en quelque sorte des techniciens appliquant les conseils des « experts » de l'Institut. Vive la diversité des recherches dans nos universités ! Bien informées des recherches universitaires grâce à une diffusion améliorée et entre autres aussi grâce aux conseillères pédagogiques dont c'est la mission - ou plutôt c'était, car leurs postes ont souvent été supprimés -, les éducatrices en petite enfance et les enseignantes du primaire et du préscolaire garderont l'initiative des moyens pour répondre aux besoins et spécificités des enfants, élèves et familles de leurs milieux.

DES CHERCHEUSES SUR LE TERRAIN

Il ne faut pas non plus sous-estimer l'expertise des enseignantes acquise avec l'expérience : elles sont d'une certaine manière aussi des chercheuses qui évaluent et adaptent sans cesse leurs interventions pédagogiques à la réalité et peuvent même être de bonnes critiques par rapport aux recherches et à leur utilité pratique.

Sans parler du ministère de l'Éducation où, chose trop méconnue du public qui n'y voit qu'un bras gouvernemental et politique, il y a déjà différents programmes de recherche dont ceux sur la persévérance scolaire et sur l'écriture et la lecture où travaillent des personnes très au courant des dernières recherches d'ici et d'ailleurs. Quant à la mission de donneur d'avis, celle-ci est déjà tenue et fort bien par le Conseil supérieur de l'éducation. Alors pourquoi ce dédoublement ?

Ce que les familles désirent, c'est qu'on investisse concrètement dans les milieux éducatifs qu'on s'est donnés pour qu'on y réinstaure les services disparus et les améliore, pas dans un nouvel organisme redondant.