Juillet 1976 constitue un moment charnière au sein des systèmes de justice des deux côtés du 49e parallèle.

Le 14 juillet, le Canada a fait un pas de géant pour les droits de la personne et la justice en retirant la peine de mort de son Code criminel, alors que 12 jours auparavant, la Cour suprême des États-Unis avait déclaré constitutionnelle la peine capitale (après un moratoire de quelques années).

Depuis ce temps, les États-Unis ont exécuté 1436 personnes pendant que le taux d'homicide au Canada a entamé un constant déclin, pour atteindre son plus bas niveau depuis 1966 et environ la moitié du taux de 1975. Pour leur part, les États-Unis n'ont pas vu de baisse du taux d'homicides jusqu'au milieu des années 90 et il demeure bien supérieur à celui du Canada. Il est notamment plus élevé dans les États qui procèdent à des exécutions que dans ceux ayant aboli la peine de mort.

Lorsque le Canada a aboli la peine de mort de son Code criminel, il a rejoint un petit nombre de pays qui représente aujourd'hui plus de la moitié des pays du monde. Plus des deux tiers ne procèdent plus aujourd'hui à des exécutions.

Les dernières années de la peine capitale n'ont pas été de tout repos. Les dernières pendaisons, en 1962 à Toronto, ont été bâclées, manquant de décapiter le condamné américain Arthur Lucas (qui, selon certaines informations, était peut-être innocent). Pendu le même soir, le Canadien Ronald Turpin, bien que reconnu coupable d'avoir tué un policier, avait lui-même grandi dans des circonstances horribles - régulièrement agressé physiquement et sexuellement - qui constituent des circonstances atténuantes.

De nos jours, aux États-Unis, nous continuons d'assister à un certain nombre d'exécutions bâclées en dépit de la méthode soi-disant moderne que représente l'injection létale. Des condamnés meurent dans l'agonie dans le cadre de procédures ayant duré parfois plus d'une heure. Des prisonniers qui, dans plusieurs cas, ont des profils similaires à ceux de Turpin et de Lucas.

Il y a bien eu des tentatives de ramener la peine de mort, notamment lors d'un vote aux Communes en 1987. Depuis, des jugements de la Cour suprême du Canada et la ratification de traités internationaux de droits de la personne ont scellé définitivement l'issue de la peine capitale au Canada. Le débat est pratiquement clos au Canada ; l'abolition est ici pour rester.

Aux États-Unis, des efforts continuent d'être faits afin d'abolir la peine capitale au niveau des États et dans la Loi fédérale. Pendant que certains gouverneurs ont épousé la cause de l'abolition, il y a des exceptions notables, comme le gouverneur du Nebraska qui, n'ayant pu apposer son veto à un projet de loi abolissant la peine de mort l'an dernier, a personnellement financé une pétition pour la tenue d'un référendum sur la question.

Plusieurs organisations aux États-Unis s'opposent à la peine capitale, représentant à la fois la gauche et la droite politiques, des proches de victimes de meurtre, des membres des forces policières et d'organisations de droits civils traditionnelles. Le débat tourne principalement autour des questions des erreurs judiciaires, du racisme et des coûts exorbitants.

La politique du Canada en matière de peine capitale a progressé depuis 1976 d'une simple position abolitionniste à celle de refuser d'extrader des prisonniers qui pourraient subir une exécution à l'étranger. Avec un recul sur cette politique en 2007, lorsque le gouvernement a tenté de mettre fin aux efforts pour soutenir la clémence du Canadien Ronald Smith, le nouveau gouvernement du Canada a depuis renversé la politique du cas par cas mise en place par le précédent gouvernement.

Le nouveau gouvernement canadien a aussi déjà déclaré haut et fort son opposition aux exécutions et a indiqué un profond souhait de redevenir une des principales voix appelant à l'abolition de la peine capitale dans le monde.

L'abolition mondiale de la peine de mort contribue à protéger les droits de la personne non seulement des citoyens des pays pratiquant encore la peine capitale, mais aussi ceux des Canadiens. Ces dix dernières années, au moins six Canadiens, dont un mineur, ont fait face à une possible exécution. La seule manière de s'assurer que les citoyens canadiens ne puissent subir une menace d'exécution est de faire en sorte que le monde soit libre d'exécutions. Se positionner contre la peine capitale dans son ensemble est également la meilleure façon de prévenir l'exécution d'une personne.

Même le système judiciaire le plus avancé au monde ne peut garantir que seuls les coupables soient condamnés. Bien que les erreurs judiciaires font souvent les manchettes aux États-Unis, notamment des condamnés à mort innocentés, la justice canadienne condamne aussi parfois à tort. Le calvaire ontarien afin de réparer les dommages des erreurs judiciaires (telles que celles attribuables au Dr Charles Smith) n'est qu'un exemple parmi d'autres. Avec la peine de mort, les conséquences sont irréversibles.

Nous savons à travers notre propre expérience que l'abolition de la peine de mort ne cause pas une hausse de la criminalité. Nous savons aussi de par l'expérience américaine que le maintien de la peine capitale peut rendre un système onéreux au point de ruiner des juridictions qui demandent le châtiment ultime contre une poignée de gens.

Le Canada est à nouveau proactif quant à l'abolition de la peine de mort. Le spectre de l'abolition brille depuis 40 ans au pays et connaît un regain d'énergie. Ensemble, le Canada et les autres États abolitionnistes peuvent oeuvrer afin de mettre fin une fois pour toutes à cette atteinte aux droits de la personne. Nous pourrions bientôt voir les États-Unis se joindre à nous. Joyeux anniversaire, Canada !