Vendredi dernier, la Cour suprême du Canada a déclaré inconstitutionnel un volet de la Loi sur la sécurité des rues et des communautés, mieux connue sous le nom de Loi C-10 et règlementant les peines liées à certaines infractions concernant les drogues et autres substances illicites.

La plus haute cour du pays a jugé que la peine minimale d'un an prévue pour le cas qui lui était présenté était incompatible avec l'article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés et non justifiée selon l'article 1 de la Charte.

En novembre 2012, le Barreau a justement déposé une requête en jugement déclaratoire afin de contester, entre autres choses, la constitutionnalité de l'imposition de nombreuses peines minimales obligatoires prévue dans le projet de loi, entré en vigueur depuis lors.

L'intervention du Barreau s'inscrit dans sa mission de protection du public dans son sens le plus large, soit la défense de la primauté du droit.

La Loi sur la sécurité des rues et des communautés nous inquiète, entre autres, parce qu'elle va à l'encontre de la discrétion judiciaire, un principe en vertu duquel un citoyen reconnu coupable d'une infraction devrait obtenir une peine proportionnelle à son méfait et à ses circonstances particulières.

Nous croyons qu'il faut faire confiance aux juges pour appliquer la loi de manière juste et équitable faisant en sorte que les peines imposées soient proportionnelles à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant. Les peines minimales obligatoires risquent d'être profondément injustes, car la seule peine envisageable est l'emprisonnement alors que dans certains cas, d'autres solutions sont susceptibles de favoriser la réhabilitation et de réduire le risque de récidive. De plus, cette façon de faire oblige les citoyens qui jugent que la peine minimale qui leur est imposée est inadéquate à faire eux-mêmes la preuve que leur peine est cruelle et inusitée.

La Cour a aussi indiqué que la Loi couvre une fourchette très large d'infractions criminelles.

L'imposition automatique de peines minimales appliquées sans discernement à tous les délinquants risque de causer des préjudices à certains citoyens.

Ainsi, la Cour suprême propose, dans son jugement, des pistes de solution qu'appuie le Barreau du Québec. Elle propose d'inclure, comme cela se fait dans d'autres pays, un article au Code criminel afin de conférer au tribunal un pouvoir discrétionnaire résiduel qui lui permettrait de ne pas imposer une peine minimale obligatoire dans certaines situations. Elle propose aussi de revoir ce même Code pour s'assurer de réduire l'application des fourchettes des peines minimales qu'aux comportements qui le justifient.

Les Canadiens ont droit à cette protection constitutionnelle. De plus, chaque accusé n'aurait plus à supporter le lourd fardeau d'une contestation constitutionnelle jusqu'en Cour suprême du Canada.

Il faut rappeler que deux projets de loi en ce sens ont déjà été proposés au gouvernement précédent dont, notamment, celui de Me Irwin Cotler (projet de loi C-669).

Le Barreau comprend qu'une telle réforme puisse nécessiter réflexion et analyse. Toutefois, il faut être conscient que les peines minimales obligatoires que propose la loi actuelle risquent à long terme de miner la confiance du public dans le système de justice pénale.

C'est pourquoi nous demandons à la ministre de la Justice du Canada, déjà mandatée par le premier ministre pour revoir le dossier des peines minimales dans son ensemble, de refondre le Code criminel et d'inclure sans délai un pouvoir discrétionnaire résiduel qui permettrait aux juges de ne pas imposer une peine minimale obligatoire lorsqu'ils évaluent que la situation le commande.