À voir la facilité avec laquelle monsieur Robillard (La Presse+, Débats, 7 novembre) s'est trouvé un médecin de famille dans la région de Bordeaux, on peut comprendre sa frustration quand il compare sa situation avec ce qu'il vit au Québec. Mais pourquoi n'arrive-t-on pas à offrir un tel service ici ?

Essentiellement, pour deux raisons. Tout d'abord parce que le nombre de médecins de famille par tranche de population est beaucoup plus élevé en France qu'au Québec. Alors que ce nombre est de 155 pour 100 000 habitants en France1, ce ratio n'est que de 107 chez nous2. Si on prend l'exemple d'une ville comme Laval et qu'on appliquait le ratio en vigueur en France, on aurait 173 médecins de famille qui s'ajouteraient aux 345 actuels (le ratio actuel à Laval est de 83 par 100 000 habitants2). Toute une différence !

Ce qui est paradoxal, c'est que plusieurs économistes de la santé estiment qu'il y a trop de médecins de famille, alors que la situation en France montre que, sur le terrain, il y a plutôt une concurrence entre médecins qui n'existe pas chez nous et qui sert très bien la population en ce qui concerne l'accessibilité. La deuxième raison qui nous distingue de nos cousins, c'est le type de pratique exercée par les médecins de famille. Alors qu'en France, ceux-ci sont cantonnés dans leur cabinet, au Québec, beaucoup d'entre eux exercent en salle d'urgence, font de l'hospitalisation dans tous les hôpitaux régionaux et communautaires de la province (qui ne pourraient pas fonctionner sans eux), de même que dans les CHSLD, les maisons de soins palliatifs, etc., en plus de leur cabinet. On pourrait dire qu'ils sont partout et, par conséquent, très peu disponibles pour la consultation au bureau.

Comment corriger la situation ?

Augmenter le nombre de médecins de famille serait déjà logique. Mais c'est une solution qui va prendre du temps avant qu'on en ressente les effets et qui va coûter très cher, car nos médecins sont nettement mieux payés qu'en France.

En attendant, il faut faciliter l'accès aux autres professionnels de la santé qui oeuvrent en première ligne, comme les pharmaciens et les infirmières praticiennes, favoriser une collaboration respectueuse entre les médecins et ces professionnels et, enfin, recentrer le travail du médecin de famille pour qu'il soit plus présent auprès des patients de sa communauté.

Si on a progressé ces dernières années, cette dernière partie de la solution reste la plus difficile. Si on y arrive, on pourra probablement voir son médecin dans un délai de 24 heures et peut-être même espérer qu'il y aura de la place pour que celui-ci consacre une partie de son temps aux visites à domicile, une pratique largement répandue chez les médecins de famille français.

1 Institut national de la statistique et des études économiques, France, 2015

2 Institut de la statistique du Québec, 2013