L'autre jour, je présentais un texte à une collègue dans lequel je dénonçais le fait qu'un automobiliste m'avait frôlé de quelques pouces seulement en me dépassant.

En allant rejoindre l'automobiliste en question (il s'était arrêté à une lumière rouge), il me confirma que son geste avait été volontaire, me disant « t'en prenais pas mal large ». Je décrivais mon sentiment de révolte à l'égard de ce conducteur qui avait utilisé sciemment un véhicule de plusieurs tonnes pour me frôler de la sorte et mettre ainsi ma sécurité en péril.

Étonnamment, ma collègue ne fut pas du tout émue. Elle en ajoutait en minimisant la portée du geste du conducteur. « Il voulait juste gagner, il voulait pas te blesser. » J'ai eu beau lui expliquer la vulnérabilité du cycliste par rapport à l'automobiliste, ses risques élevés de blessure devant l'amas de métal que représente l'auto, rien n'y fit. J'en étais estomaqué.

Avec le recul, je comprends maintenant l'impassibilité de ma collègue devant ma dénonciation, selon elle, un peu exagérée de l'incident. Pour un automobiliste qui n'a jamais roulé en vélo, frôler un cycliste demeure de même nature que frôler un pare-chocs lorsqu'on se stationne ou contourner de près un cône orange dans une entrave à la circulation.

Bref, pare-chocs, cône et cycliste, tant qu'on n'égratigne pas son auto, c'est du pareil au même.

Pour le cycliste, c'est une tout autre histoire, le choc est direct en cas de contact. Un espace latéral de sécurité entre lui et les automobiles stationnées lui garantit une marge de manoeuvre en cas d'imprévu, tel une portière qui s'ouvre, un nid-de-poule, un passant qui apparaît soudainement. Le Code de la sécurité routière, en exigeant une distance latérale d'au moins un mètre pour dépasser un cycliste, lui assure une certaine protection pour l'autre côté.

Je propose qu'à l'avenir, pour tout automobiliste qui serait tenté de dépasser de très près un cycliste qui en prend trop large, d'adopter une autre perspective et d'avoir le bon réflexe de se rappeler cette pensée : « Après le chien, le cycliste reste le meilleur ami de l'homme. »

La personne en vélo ne produit pratiquement pas de gaz à effet de serre ; elle ne consomme pas de produit pétrolier, contribuant ainsi à en limiter la demande, évitant d'accentuer la pression sur la hausse du prix de l'essence (ce n'est pas rien) ; elle sert aussi d'exemple en matière d'activité physique dans ce monde où sévit, selon plusieurs, une épidémie d'obésité. En encourageant vos enfants à faire du cyclisme, tout en leur inculquant les normes de sécurité minimales à appliquer pour se protéger, vous verrez à leur bonne santé.

J'entends certains automobilistes maugréer en lisant ce texte. Reste que nous sommes un obstacle bien réel à dépasser de façon sécuritaire lorsque vous est pressés et qu'il y a des autos qui arrivent dans l'autre sens. Mais en définitive, cette contrainte est-elle plus grande que celle de sortir le chien deux fois par jour sa vie durant, avec ce que cela comporte comme opération de récupération ? De plus, nous, cyclistes, tout comme les automobilistes, revendiquons notre juste part de crétins et de « pas d'allure » dans notre groupe.

En conclusion, quand vous croiserez un cycliste, pensez au premier meilleur ami de l'homme qui vous donne la patte ou qui appuie sa tête sur vos genoux, et contournez-nous avec bienveillance.