Quand j'entends le nom de Claude Robinson, mon coeur s'emplit de fierté... mais surtout de honte.

Fierté à l'égard d'un vrai Québécois, un battant. Fierté à l'égard de ce combat d'une vie pour défendre ses droits. Honte devant le système qui lui a pris cette vie. La responsabilité du plagiat et de la fraude initiale reposent sur des mécréants. Celle des 20 ans d'enfer vécus par M. Robinson repose sur notre système de justice.

La tactique est simple : gagner du temps pour épuiser le petit. Multiplier les procédures pour faire tarir ses ressources. Contre-attaquer avec un contre-procès pour l'épuiser plus vite et faire planer la menace de la ruine. De toute façon, les entreprises peuvent déduire les frais de justice de leurs impôts. On sait déjà que seule une fraction des gens lésés s'adressera à la justice. C'est un problème en soi ; notre système décourage le petit de faire valoir ses droits. Du nombre qui entameront des poursuites, combien se désisteront par manque d'argent ou par épuisement ?

Si le petit persiste, on passe à la phase suivante : on règle à l'amiable pour une fraction du dédommagement demandé. On menace de multiplier les démarches en cas de refus (c'est-à-dire, jusqu'à présent, tu n'as rien vu...). On y ajoute une clause de confidentialité pour éviter que notre petit puisse aider la prochaine cause. Bien entendu, il n'y a pas d'admission de responsabilité, ce qui fait que le travail doit repartir à zéro si quelqu'un d'autre veut poursuivre. Le pauvre petit, épuisé, tend à accepter. Ça revient à dire que le puissant n'a qu'à payer une fraction d'une fraction de ce que ses actions auraient dû lui coûter.

Que gagnons-nous comme société à avoir un système de justice à deux vitesses ? Économiquement, les abus de procédures nous coûtent cher. Il faut payer les salaires des juges, des greffiers et les frais de la cour durant ces multiplications de procédures. Pourquoi paierions-nous pour réduire l'accès à la justice aux moins fortunés ? C'est un non-sens.

Nos juges, gardiens de la justice, devraient être plus prompts à condamner les abus de procédures. Notre système est censé juger selon la prépondérance de preuve, pas la prépondérance de moyens.

Il existe plusieurs solutions à ce problème : 

1) offrir une aide juridique au civil ;

2) éliminer le crédit d'impôt pour frais juridiques. On a tout avantage à ce que les procès durent moins longtemps et coûtent moins cher. En même temps, rendons impossible de déduire les amendes, dommages et autres condamnations des impôts à payer. Mettons que ça devient insultant quand on réduit une dette envers la société du montant d'une autre dette envers la société...

3) augmenter les dommages punitifs. Si ça coûte moins cher de payer l'amende que de résoudre le problème, elle devient une sorte de coût permettant de se soustraire à la loi. Surtout que ce coût n'est pas automatique, car les chances sont bonnes pour qu'on ne se fasse pas prendre. Le silence criminel des fabricants de voitures au sujet des défauts connus nous en dit long sur le sujet ;

4) en cas de disparité flagrante entre les moyens des parties en cause, exiger le paiement des frais juridiques et de la moitié de la somme due avant l'appel de la décision ;

5) toujours lorsqu'il y a disparité de moyens, rendre le jugement exécutoire. Si cela entraîne des frais, on les facturera au perdant. Si le but est de diminuer les tactiques d'épuisement, pourquoi les accepter après le procès ?

6) imposer des sanctions pécuniaires et disciplinaires contre les avocats et plaignants qui abusent des procédures.

Vingt ans et 1,5 million de dollars en frais juridiques. Ces deux nombres sont inacceptables dans une société de droit. Si nous ne changeons rien, le petit sera toujours perdu sur une île déserte devant le puissant.