J'offre mes sympathies les plus sincères aux jeunes femmes qui ont travaillé au Grand Prix ces derniers jours, car mettre de côté son amour-propre pendant trois jours au salaire de 20 $/h pendant que des hommes nous filment le cul avec leur cellulaire est un exploit de moralité dont je ne suis moi-même plus capable de faire preuve.

Pour avoir travaillé plusieurs années au Salon de l'Auto, qui se déroule annuellement au Palais des congrès, je comprends la tâche ardue que représentent ces quarts de travail de dix heures où notre seule fonction décorative sert d'appât pour qu'on inscrive des gens dans des « concours » qui permettent en réalité aux entreprises de collecter leurs données pour ensuite les bombarder de pourriels.

Kudos aux filles, surtout celles qui sont au kiosque de « bisous gratuits ». Votre contenance est mise à rude épreuve, je vous le concède, et n'ayez crainte ! La plupart d'entre nous ont de la compassion pour vous. Après tout, on ne blâme pas des cégépiennes ou de jeunes universitaires d'être des victimes consentantes d'une tradition patriarcale faisant de nous des femmes-objets.

Il est seulement triste de voir sur Peel et Crescent des femmes de demain qui sont diminuées à un concept marketing où elles ne sont que des femmes sexy, des rôles prédéfinis et des clichés.

Enfin, des clichés d'ici. Vous êtes les femmes ambassadrices de Montréal ; aux yeux des touristes, vous êtes les souvenirs glorieux qu'ils amèneront chez eux, les photos qu'ils auront dans leur fil d'actualité sur Facebook. Soyons clairs, la notoriété de notre ville repose justement sur vous, sur nos festivals et sur notre atmosphère propice aux partys qui caractérisent la période estivale. Vous contribuez au rayonnement de Montréal, vous êtes un lubrifiant économique colossal ! Si Montréal est vu à l'international comme une ville fun, c'est en partie grâce à vous.

Faites fi des FEMEN qui essaient de se joindre à la fête : elles montrent gratuitement leurs seins quand, en réalité, le but est d'attirer les touristes chez les danseuses ou les escortes, qui eux ont moussé leur publicité. Ces FEMEN, mais quelle concurrence déloyale !

Je sais bien que l'attrait de l'argent est assez aveuglant quand notre agence nous appelle pour nous proposer ce contrat, mais parmi toute cette euphorie du Grand Prix, n'oublions pas que nous, les mannequins, ne sommes qu'un symptôme de l'instrumentalisation de la femme à des fins publicitaires. Les agences de mannequins ne sont que les proxénètes de l'industrie promotionnelle. Les prostituées servent à des fins sexuelles, les « trophy wives » servent à des fins décoratives, et nous, à des fins marketing.

Tenez bon.