Au printemps 1984 débutait une fascinante aventure pour trois biologistes et un pourvoyeur d'expérience. L'année précédente, à la suite d'un concours, ces quatre associés et deux autres groupes s'étaient vu attribuer l'exaltante tâche de développer chacun une partie de l'est de l'île d'Anticosti, à quelque quatre heures de route de Port-Menier.

Notre tâche consistait à aménager des chemins de pénétration et à construire des lieux d'hébergement pour accueillir les pêcheurs de saumon, chasseurs de cerfs et touristes d'aventure. La pourvoirie du Cerf-Sau amorçait ses activités.

À cette époque, l'île comptait un peu moins de 400 habitants et le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche cherchait par tous les moyens à donner du travail à ces résidants en faisant la promotion de ces activités sur l'île. Quand les pêcheurs ou les chasseurs avaient atteint leur limite de prises, on leur offrait de visiter l'île, soit les chutes Vauréal, le Wilcox, un vieux bateau échoué, ou encore un tour de rivage dans l'espoir d'y rencontrer un rassemblement de phoques. La caverne la Patate était trop loin.

La seconde année, les clients qui revenaient ne souhaitaient pas revoir ces mêmes sites. Il faut bien reconnaître que dans les publicités et les reportages sur l'île, que voit-on? La chute Vauréal, le Wilcox et des cerfs près de Port-Menier. Plusieurs nous disaient qu'au fond, «Anticosti, c'est les forêts de l'Abitibi entourées d'eau». Après quatre heures de paysages de conifères, on peut les comprendre.

C'est peut-être pour cette raison d'ailleurs que, malgré les immenses efforts faits pour attirer des touristes d'aventure, nous n'en avons jamais reçu un seul. Il semblerait que les chutes Montmorency sont aussi attrayantes et accessibles à moindre coût, de même que les paysages sauvages de la Côte-Nord.

Aujourd'hui, il reste environ 275 personnes qui tentent encore de vivre sur l'île où seule la chasse permet des revenus trois mois par année. Et pour combien de temps? Les saumons ont pratiquement disparu. Peut-être que les descendants des Lelièvre, Boudoul, McCormick, Poulin et autres considèrent les promoteurs de l'exploitation pétrolière non pas comme des «gens sans scrupule», mais comme ceux qui leur permettront de poursuivre une vie intéressante sur l'île qui les a vus naître.