Même si bien des choses peuvent encore survenir d'ici les prochaines élections fédérales de l'automne, tout semble indiquer que le prochain gouvernement canadien sera minoritaire. Considérant l'absence d'alliés naturels au Parlement, les conservateurs pourraient avoir de la difficulté à se maintenir au pouvoir plus que quelques semaines, voire quelques mois. Cela ne semble toutefois pas être le cas pour une éventuelle victoire libérale ou néo-démocrate, dans la mesure où ces deux formations politiques partagent plusieurs points communs. La dernière élection tenue en 2011 semble en effet avoir démontré qu'il y avait un phénomène de vases communicants auprès de l'électorat de ces deux partis.

En ce sens, l'idée d'une éventuelle coalition gouvernementale libérale-NPD, évoquée par Thomas Mulcair, n'apparaît pas hérétique a priori. La promesse récente de Thomas Mulcair visant à créer des milliers de places subventionnées dans les garderies du pays s'inscrit parfaitement dans le sillage de l'Entente-cadre sur l'union sociale signée par Jean Chrétien en 1999.

Il en va de même sur la question de l'avortement, des mariages de conjoints de même sexe, en matière de protection de l'environnement ou au maintien de régimes universels de soins de santé. Nul doute qu'il existe une convergence idéologique indéniable entre ces deux partis.

Toutefois, malgré leur osmose apparente, il importe de noter que ces deux formations politiques s'opposent sur des enjeux fondamentaux, à tel point qu'il est légitime d'en conclure que l'idée proposée par le chef néo-démocrate est condamnée d'avance. Par exemple, la position de ces deux partis en matière d'affaires étrangères comporte beaucoup plus de différences que de similitudes. Alors que le NPD propose que le Canada revienne à un rôle traditionnel de maintien de la paix, les libéraux ont pour leur part développé, depuis le milieu des années 90, une approche davantage associée à la consolidation de la paix qui exige parfois le recours à la force militaire. La position de ces deux partis concernant la mission contre les forces du groupe État islamique en Irak et en Syrie le démontre parfaitement.

Le Québec qui sépare

En outre, les deux partis sont également aux antipodes sur la question québécoise. Il est inutile de rappeler la promesse du NPD qui consiste à revoir la Loi sur la clarté référendaire adoptée en 2000, plus particulièrement en acceptant de se plier à la règle du 50% + 1. La tension entre les troupes libérales et néo-démocrates à l'occasion d'un débat sur un projet de loi du Bloc québécois, en 2013, a été symptomatique de cette opposition irréconciliable entre les deux partis sur la question. Il y a fort à parier que la volonté néo-démocrate d'accorder au Québec un droit de retrait avec pleine compensation financière pourrait également engendrer des déchirements au sein d'une éventuelle coalition gouvernementale PLC-NPD.

Certes, la volonté commune qu'ont les libéraux et les néo-démocrates «de se débarrasser de Stephen Harper» semble faire de ces derniers des alliés potentiels et rend attrayante l'éventualité d'une coalition gouvernementale bicéphale entre Thomas Mulcair et Justin Trudeau. Toutefois, il convient d'admettre que ce dédain envers les conservateurs constitue un socle bien fragile sur lequel ces deux partis pourraient construire un programme commun de gouvernement. Les dissensions entre ces deux partis demeurent fortes. Autant que l'animosité personnelle qui oppose leurs chefs.