On se moque tous un peu, dans un plaisir à peine coupable, des frasques à répétition du ministre Bolduc. Mais au-delà de la rigolade, la question de la fouille des élèves révèle un malaise pernicieux dont la dissipation dépasse les résultats d'une enquête sur les protocoles suivis sur le terrain, ou même un remaniement ministériel.

Il faut se rappeler que l'école se voit confier nos enfants pour les éduquer, mais aussi pour les surveiller, les protéger et veiller à leur sécurité et à leur santé. À cette fin, les parents lui délèguent leur autorité et leur donnent le pouvoir de les remplacer. Et si, en tant que parents, nous recourons souvent à notre jugement - parce qu'il n'existe pas de mode d'emploi pour élever un enfant ou un adolescent - , il faut avoir l'honnêteté d'accepter que, malgré leur formation et les protocoles, les éducateurs doivent eux aussi parfois se fier au leur.

La question des fouilles est insuffisante pour cibler le noeud du problème. La véritable question à poser, c'est de savoir si nous sommes toujours prêts à confier à l'école les pouvoirs nécessaires pour qu'elle assume ses responsabilités en notre absence. Et surtout, il faut nous demander si nous faisons tout en notre possible pour que les personnes à qui nous remettons ce mandat soient entièrement dignes de notre confiance.

Nous avons, tristement, de bonnes raisons de nous inquiéter.

De façon systématique, les programmes universitaires en enseignement sont ceux qui affichent les exigences d'admission les moins élevées. En d'autres termes, un cancre au cégep peut être admis en enseignement au secondaire. Or, les programmes de formation des maitres ont beau être efficaces, on ne peut faire de miracles avec une matière première déficiente...

Un cercle vicieux

Il faut se rendre à l'évidence: le métier d'enseignant n'est pas prisé. Parce qu'il n'est pas valorisé.

Il s'agit d'un cercle vicieux: profession peu valorisée, donc peu prisée, donc pénurie de volontaires brillants, donc enseignants en qui on a peu confiance... Pourtant, ne voulons-nous pas que la prof de notre fils ou de notre fille soit enthousiaste, sensible, cultivée, compétente, intelligente, inspirante?

Nous nous retrouvons dans un système où on propose d'évaluer les enseignants pour évacuer les «incompétents» a posteriori, sans souci de régler le problème à la base. De plus, les syndicats, contraints de protéger leurs membres plutôt que la profession, ont les mains de plus en plus liées pour agir.

Les commissions scolaires sont forcées d'engager des enseignants qui semblent plus ou moins adéquat, faute de mieux. Les directions d'école doivent rassurer les parents sur la qualité des services offerts même s'ils n'y croient pas toujours. Les élèves, et leurs parents, développent une attitude cynique face aux «maitres», qui ne le sont souvent plus.

Nous nous retrouvons dans un système scolaire où on ne fait plus confiance au jugement de ceux qui ont la charge d'éduquer nos enfants.

L'école n'est pas un point de services gouvernementaux comme les autres. Les enseignants et les directions d'école ne sont pas que des fonctionnaires de l'État qui poussent les crayons des élèves. Le seul moyen de leur donner les moyens pour s'acquitter de leur responsabilité auprès de nos enfants, c'est de retrouver cette confiance en eux. Ainsi, toute la noblesse doit être rendue à leur profession. Pas pour eux, mais pour nous.

Optimisme d'éducateur oblige, je nourris l'espoir que la classe politique, les syndicats d'enseignants et les commissions scolaires se rendront compte que c'est la profession enseignante qu'il faut fouiller à nu. Pour lui redonner enfin ses beaux habits.