La Belle Province tout entière a été frappée la semaine dernière par une crise d'hystérie collective avec cette histoire de «fouille à nu» survenue dans une école secondaire de Québec.

De façon unanime ou presque, tous les blogueurs, chroniqueurs et vomisseurs d'opinions ont poussé les hauts cris sur cet incident sans avoir les détails sur la situation dont ils parlaient ni les qualifications légales pour la commenter: de la banalisation de la vente de pot en milieu scolaire.

Plusieurs des commentaires jugeaient ce produit plutôt bénin et prenaient avec un grain de sel le fait que la jeune élève en propose à un autre par le biais d'un texto envoyé pendant un cours.

La vente de drogue en milieu scolaire n'est pas un banal délit puisqu'on parle de fournir des stupéfiants à des élèves généralement d'âge mineur. La population québécoise aurait raison de s'insurger si l'école ne veillait pas à contrer ce trafic et laissait des trafiquants oeuvrer en toute impunité. De même, un parent dont l'enfant vend de la drogue ou est soupçonné de le faire devrait logiquement être interpelé par une telle situation.

Une des raisons qui explique tout ce dérapage est bien sûr les termes employés pour décrire cette fouille. L'expression «à nu» évoque immédiatement une intervention où les parties intimes d'un individu sont inspectées. La série Unité 9 a d'ailleurs fortement alimenté les représentations que plusieurs ont eues de cet évènement. Certains commentateurs ont même déraillé en parlant d'agression sexuelle, de pédophilie, et j'en passe.

Occulter le vrai débat

Dans les faits, ici, il ne s'agissait pas véritablement d'une fouille à nu ni d'une fouille corporelle. On a demandé à l'élève de se dévêtir - sans jamais qu'elle puisse être vue nue - pour inspecter ses vêtements. (On peut se questionner sur l'efficacité d'une telle intervention puisque la jeune femme aurait très bien pu cacher des substances illicites dans des voies naturelles.)

Divers intervenants ont discouru longuement quant à la légalité de cette fouille en confondant lois et principaux moraux. Le personnel des écoles du Québec dispose pourtant de pouvoirs légaux importants qui lui sont accordés, entre autres, en vertu d'un principe qu'on appelle la délégation parentale. Dans certains cas, ces pouvoirs permettent des actions que même un policier ne pourrait exercer, par exemple la fouille du casier d'un élève, qui peut être effectuée sans mandat par un membre du personnel d'une école.

Moralement, est-il raisonnable qu'un parent, dont l'enfant est soupçonné de trafic de drogue, fouille sa chambre et ses vêtements? Je crois que oui.

Peut-il en être de même pour une école? Chose certaine, les beaux discours, les retenues, les copies, les suspensions à l'interne ou à l'externe sont d'une très faible efficacité envers ceux qui ont décidé de se livrer au commerce de substances illicites.

Ce type de fouille est d'ailleurs effectué dans certains centres jeunesse au Québec, sans jamais avoir soulevé quelque controverse que ce soit. Il faut croire que le sort des enfants qui y sont confinés n'émeut guère les bien-pensants de notre société...

De façon plus générale, tout cet incident devrait ramener à l'avant-plan une question fondamentale: alors qu'on parle sans cesse de décrochage et de réussite scolaire, comment l'école québécoise peut-elle s'y prendre pour contrer le trafic de drogue et quels moyens légaux et financiers est-on prêts à lui donner pour y parvenir? C'est là-dessus que j'aurais aimé entendre nos autorités politiques.

Enfin, il est éminemment regrettable que l'école concernée par tout ce débat soit prise dans une situation intenable puisqu'elle ne peut commenter ce dossier pour des raisons de protection des renseignements personnels, laissant ainsi le champ libre à tous ceux qui la dénigrent et la calomnient.