Alors que la situation au Yémen et en Libye ajoute au chaos au Moyen-Orient, en Syrie et en Irak, les avancées de Daech (groupe État islamique) seraient quant à elles stoppées. La ville de Kobané a été reprise par les forces kurdes appuyées de frappes aériennes d'une coalition de nombreux pays.

Le conflit perdurera un certain temps, mais il y a peu de chance que le nouveau califat dont rêvent certains se réalise. Mais une fois Daech éliminé, y a-t-il une stratégie pour la suite des choses?

Ce qui complique davantage l'analyse est l'exportation en Occident des diverses crises moyen-orientales. Les épisodes terroristes en France et ailleurs ont créé une onde de choc souhaitée par ceux qui les ont inspirés ou commandités. La montée de l'islamophobie renforce le message extrémiste.

Comment en est-on arrivé là? Les raisons sont complexes et multiples, mais, à mon avis, l'incompréhension qui perdure entre l'Occident et le monde arabe y contribue largement. Deux visions du monde s'affrontent. Il y a d'un côté les «valeurs occidentales» que l'on considère comme universelles, et celles d'une très large partie du monde arabo-musulman qui s'identifie aussi aux cultures locales et aux préceptes de la religion.

On peut discuter longtemps sur les caricatures du Prophète, mais même les musulmans dits «modérés» ont de la difficulté à accepter que l'on se moque de leur religion. C'est difficile pour beaucoup d'Occidentaux de comprendre ce sentiment, car le fait religieux est largement disparu de nos sociétés alors que, dans l'Islam, il en rythme la vie de tous les jours.

N'est-ce pas de l'arrogance que de penser que nos valeurs soient nécessairement supérieures? Pourquoi ne pouvons-nous pas laisser d'autres sociétés se développer à leur rythme et cesser de vouloir leur imposer nos perspectives et faire des amalgames? Et pourquoi cette fixation sur les musulmans? Les musulmans ne forment pas un bloc monolithique. Pas plus que les protestants ou les catholiques.

Il va falloir qu'un véritable dialogue d'égal à égal se concrétise. Pas entre religions, mais entre nations et peuples. Je ne prétends surtout pas qu'il faille fermer les yeux et accepter sans mot dire que l'on flagelle, pende ou lapide. Il n'est pas question de retourner au Moyen-Âge. Mais combien de siècles cela nous a-t-il fallu pour abolir la peine de mort? Le conflit entre catholiques et protestants en Irlande du Nord se passait au XXe siècle. Un peu d'autocritique nous serait salutaire.

Cela s'applique à notre défense de la démocratie. Lorsque les Palestiniens élisent le Hamas à Gaza, on coupe les ponts. Lorsque les Frères musulmans prennent le pouvoir en Égypte, on les renverse en peu de temps... On ne peut pas dire que notre bilan prêche par l'exemple.

Chez nous, la communauté musulmane est ici pour y rester. Il faut en tirer profit et non pas la mettre à l'écart. L'intégration est la clé. Comme le démontrent les cas récents en Europe, c'est vers les jeunes que notre attention doit se tourner. Je lisais récemment que l'arabe était la deuxième langue maternelle des élèves dans les écoles secondaires de la région montréalaise, cela est significatif. L'éducation est essentielle.

Au cours des derniers mois j'ai eu l'occasion de rencontrer de nouveaux arrivants du Moyen-Orient au Québec qui veulent refaire leur vie ici, avec ouverture. Nous pouvons beaucoup apprendre du sens du partage, de l'hospitalité et de l'entraide que l'on trouve dans leurs cultures.

Le Canada et le Québec ont la chance de ne pas trainer les casseroles de l'histoire. Développons notre propre modèle relationnel avec les musulmans d'ici. L'Europe semble revivre la «peur du Turc», quand les Ottomans étaient aux portes de Vienne. La France s'abrite derrière sa nouvelle religion de la laïcité. Faisons autre chose.

Pour paraphraser une vieille publicité. «On est des milliards, faut se parler».