Dans sa chronique du 7 février, Alain Dubuc évoque ses objections aux mesures proposées par la Coalition avenir Québec (CAQ) contre l'intégrisme.

Je voudrais tout d'abord le remercier pour sa contribution au débat. Les Québécois doivent pouvoir discuter dans le respect de ces questions fondamentales.

Cela dit, je suis en désaccord avec la prémisse de M. Dubuc selon laquelle les dérives intégristes seraient un problème de nature uniquement sécuritaire. Le gouvernement, doit-on comprendre, devrait se contenter de laisser la police faire son travail. Si les forces de l'ordre ont, bien entendu, un rôle de tout premier plan à jouer, elles ne peuvent pas être les seules à combattre ces dérives. L'envergure inédite de ce dossier a montré la nécessité d'une réponse politique.

Il est de la responsabilité du gouvernement de rassurer les Québécois. L'historien et sociologue Gérard Bouchard ne disait pas autre chose ces derniers jours. Il affirmait l'urgence d'agir et se montrait même ouvert à amender la Charte des droits et libertés de la personne pour interdire de tenir des propos haineux. La Charte doit être modernisée afin qu'elle puisse mieux défendre les droits pouvant être bafoués par les intégristes.

Dans un monde idéal, nous n'aurions pas besoin d'encadrer la liberté d'expression. Mais les attentats qui sont survenus, entre autres à Saint-Jean-sur-Richelieu, à Ottawa et à Paris, nous forcent à sortir de cette neutralité bienveillante et à agir. La vérité, c'est que nous devons non seulement combattre le terrorisme, mais prévenir la radicalisation en remontant à la source.

M. Dubuc nie que notre proposition ait un fondement juridique. Elle est pourtant conforme au droit. Il ne s'agit pas ici de restreindre la liberté pour un individu pieux (qu'il soit catholique, protestant, juif ou musulman) d'exprimer une opinion en porte-à-faux avec la majorité. C'est un principe sacré. Mais l'état actuel du droit et la jurisprudence nous autorisent toutefois bel et bien à proscrire les types d'expressions dont l'intention est d'encourager au mépris et de marginaliser sur la base d'un motif discriminatoire interdit.

On a tous compris que dans des cas bien spécifiques d'intégrisme, l'intention était de nature hostile. Les esprits égarés susceptibles de passer à l'acte ne s'y trompent pas et vont spontanément boire les paroles des radicaux qui leur semblent les plus engagés dans une dynamique de confrontation avec certaines de nos valeurs.

Les valeurs communes que la Charte doit défendre et protéger ne sont pas exclusives au Québec. Elles sont partagées par l'ensemble des pays occidentaux. Ce sont, comme le dit M. Dubuc, « des valeurs universelles ». Cela ne devrait pas nous empêcher pour autant de parler de « valeurs québécoises ». Que pourrait bien signifier l'universel sans ancrage dans le particulier ? Peut-on imaginer l'universel sans les nations qui le constituent ?

Ce n'est pas jouer sur « l'insécurité » que de s'affirmer comme peuple et de revendiquer fièrement son héritage et son histoire. Cela a moins à voir avec la « peur de disparaître », comme le croit M. Dubuc, qu'avec le désir légitime de prendre ses responsabilités. Les Québécois tiennent aux valeurs d'égalité, de liberté et de tolérance. Le gouvernement a le devoir de les défendre.