2015 n'est pas le nombre de fois que notre planète a orbité autour du Soleil ni le nombre d'années passées depuis qu'un être pensant regarde, en s'interrogeant, la merveille du ciel étoilé. Nous avons décidé, il y a très longtemps, d'une référence religieuse pour déterminer le début de ce que l'on fête tous les premier du mois janvier. L'homme de Néandertal n'a qu'à aller remettre sa peau de bête... lui qui ne l'était pas, loin de là, et qui devait savourer sa part de liberté dans un monde demandant impérativement d'être présent à sa réalité pour survivre.

Un soir du temps des Fêtes, encore un pied en l'an 2014, je discutais avec un neveu amateur de ces univers virtuels où, à travers un écran, on peut devenir un magicien redoutable, un elfe, un guerrier ou une princesse, sur la possibilité d'une fuite de la réalité à travers ces jeux de plus en plus sophistiqués. J'évoquais aussi cette habitude répandue d'avoir un casque d'écoute partout où l'on va. 

Je lui ai fait remarquer que le réel avait besoin de toute notre attention, car il a, à l'instar de la princesse de son jeu, besoin d'être sauvé lui aussi.

Il s'engagea alors dans une rhétorique en faveur de ce qu'il vivait par procuration. De vraies émotions, de vrais échanges, des apprentissages, etc. Bien des psychologues seraient d'accord avec lui d'ailleurs et je ne réfute pas cela. Mon propos n'était pas de dénigrer les jeux électroniques et leurs contenus. 

J'ai répliqué qu'à la base, nous devons être présents au réel pour notre propre sécurité. Je lui ai aussi fait valoir que c'était tout aussi important pour ce qui nous entoure. La vie, la mort, l'équité, le bonheur, la connaissance, le progrès, pour ne nommer qu'eux, nous font signe. 

Et aussi les oiseaux, les grenouilles, les poissons, les mammifères marins, les gorilles, les éléphants et les rhinocéros, les arbres et les écosystèmes, ces animaux qu'on mange tous les jours et qui souffrent de notre manque d'égard et de sensibilité envers eux. Et ces gens qui ressentent les mêmes émotions que nous tous, qui subissent la guerre des religions, des politiques corrompues et du profit à tout prix, qui vivent la peur, le désespoir et l'angoisse, ceux et celles qui manquent d'amour, d'amitié, seules et seuls devant le miroir cruel de la société du spectacle.

La liste est longue et notre monde demande qu'on se tourne vers lui avec tous nos sens et toute notre intelligence, que nous sortions un peu de nos croyances, de nos aveuglements et de nos distractions ininterrompues.

Si nous voulons le changer, l'améliorer, il faut se réapproprier ce réel, le comprendre et le sauver de notre indifférence et de notre bêtise. Même s'il prend la forme d'un autobus bondé à l'heure du travail, par notre regard et notre attention, il peut aussi devenir la rare merveille qu'il est, le seul que nous aurons jamais.