Dans les discussions entourant le dépôt du projet de loi 10 sur la réforme du système de santé, le modèle suédois est souvent présenté comme un exemple à suivre, parfois pour de mauvaises raisons.

Certains ténors de la marchandisation des soins de santé font l'éloge de la supposée privatisation de ses hôpitaux ou de l'omniprésence du ticket modérateur. Quelques légendes circulent aussi au sujet de la décentralisation de la gouvernance qui ressemblerait à ce qui est mis de l'avant par le projet de loi actuellement à l'étude. En voici quelques-unes.

Le mythe de l'Hôpital Saint-Gorans

L'hôpital Saint-Gorans est un hôpital important de Stockholm. En 1999, les autorités régionales en ont confié la gestion à une entreprise privée. Cette initiative a soulevé plusieurs questionnements et en 2001, un moratoire sur la privatisation a été promulgué au niveau national. Le moratoire a été levé depuis, mais l'exemple de Saint-Gorans n'a été suivi par aucun autre hôpital général. Il y a bien quelques cliniques opérées par la Croix-Rouge ou d'autres organismes caritatifs, mais rien qui ressemble à une privatisation massive du système hospitalier.

Les dépenses privées en santé

Une autre légende urbaine est la question du ticket modérateur, qui existe bel et bien, mais qui s'apparente à la franchise de l'assurance-médicaments publique québécoise. Les frais sont rapidement plafonnés et les femmes enceintes et les enfants en sont exemptés.

En fait, le système suédois est plus « public » que le nôtre. Alors que les dépenses de santé canadiennes sont financées à 71,2 % par le secteur public (Eco-Santé OCDE 2013), les gouvernements suédois assument 81,4 % des coûts d'un système qui offre non seulement le panier de services dont nous bénéficions au Québec, mais aussi les médicaments et les soins dentaires gratuits jusqu'à l'âge adulte. Voilà pourquoi seulement 1,5 % des citoyens de la Suède ont recours à une assurance-maladie privée.

Au bout du compte, à cause des contrôles stricts du secteur privé par les instances publiques, la Suède n'est pas un bon pays pour faire des affaires dans le domaine de la santé.

Une vraie gouvernance décentralisée

Il est difficile de comprendre comment on peut assimiler le modèle proposé dans le projet de loi 10 et la décentralisation à la scandinave. En Suède, le ministère de la Santé n'est pas un mammouth qui contrôle tous les établissements. Au contraire, ce ministère est plutôt mince et se concentre sur sa mission essentielle, qui est d'élaborer les lois, les politiques et les grands objectifs des évaluations.

Le ministre n'est pas interpelé en chambre sur des questions de prestation de services, puisque ce sont les gouvernements locaux et régionaux qui en sont responsables. Des élus au conseil de comté font les choix au quotidien dans les limites des grands paramètres identifiés au palier national. Les services sont évalués par une organisation distincte du ministère, une sorte de régie de la santé. Enfin, les municipalités ou communes sont responsables des services sociaux et des soins à domicile et leurs élus sont bien au fait des besoins locaux. La seule exception à cette règle est l'achat de médicaments, qui a été recentralisé dans le but d'obtenir de meilleurs prix.

Un système à émuler 

L'augmentation des dépenses en santé est moindre en Suède qu'elle ne l'est au Québec et le système performe bien dans les comparaisons internationales. Les grands ingrédients de ce succès sont la prévention, les soins de première ligne, le maintien des personnes âgées à domicile, la circulation de l'information et la démocratie locale et régionale. Bref, tout le contraire d'un système centré sur l'hôpital.

Il faut cependant noter que ce système de soins est moins sollicité que le nôtre. En effet, depuis des décennies, la Suède mise sur des politiques intersectorielles visant l'amélioration des principaux déterminants de la santé, avec pour résultat de faibles taux de pauvreté, des environnements sains et des investissements massifs dans les services de garde éducatifs.