« Attentat terroriste», le mot est tombé comme un couperet alors que se dessine le scénario de l'incident survenu lundi à Saint-Jean-sur-Richelieu. Si la prudence reste de mise face au manque d'informations dans les heures suivant le drame et à l'emballement politico-médiatique qu'il a suscité, nous pouvons tenter d'émettre quelques hypothèses sur ce qui s'est passé.

Selon les informations disponibles, Martin Couture-Rouleau s'est converti à un islam radical, avant de verser lundi dans une violence apparemment soudaine. Sa page Facebook regorgeait de références à une version très rigoriste de l'islam et il a suivi sur Twitter plusieurs groupes qualifiés de terroristes, sans toutefois échanger avec eux. Martin Couture-Rouleau aurait eu l'intention de se rendre en Syrie ou en Afghanistan, un plan contrarié par les services de renseignement canadiens qui lui ont confisqué son passeport. Nous serions donc face à un loup solitaire, qui aurait agi sans contact avec une organisation structurée, mais qui aurait été inspiré par un prêt-à-penser djihadiste trouvé sur Internet.

Le phénomène des loups solitaires n'est ni nouveau ni une exclusivité du djihadisme. Nous n'avons qu'à penser aux extrémistes de droite, et au plus récent d'entre eux, Anders Breivik, l'auteur des attentats en Norvège en 2011. Toutefois, les organisations djihadistes sont certainement celles qui ont le plus contribué à la croissance de ce phénomène au cours des dernières années.

Tout d'abord, plusieurs prédicateurs islamistes font du djihad une responsabilité individuelle. Ce message a été repris et relayé par Al-Qaïda, puis par d'autres, dont le groupe armé État islamique. L'objectif est ici d'inciter de jeunes gens radicalisés, qui ont combattu ou non sur les « terres de djihad » que sont devenus la Syrie, l'Irak, la Somalie et l'Afghanistan entre autres, à fomenter des attentats sur les territoires sur lesquels ils résident.

Nouvelles stratégies de communication

Les stratégies de communication et de recrutement des groupes djihadistes se sont ensuite raffinées afin de toucher un public de plus en plus large. L'utilisation d'internet et surtout des médias sociaux donne une résonnance planétaire à leurs messages, tout en créant une proximité virtuelle entre ces sympathisants et les groupes islamistes actifs sur les théâtres de conflit.

Enfin, le djihadisme est devenu - le phénomène des convertis radicalisés nous le montre - une idéologie attractive pour des individus en rupture de ban avec la société ou leurs proches, à la recherche de nouveaux référents identitaires, d'aventure, ou tout simplement mal dans leur peau.

La menace se diversifie donc. La radicalisation express, voire fast food, vécue par des dizaines de jeunes amène à l'émergence d'un djihadisme amateur local peu sophistiqué, de faible magnitude, mais qui contribue à entretenir l'impression d'une menace omniprésente et permanente, ce qu'il n'est pourtant pas.

L'exemple, bien que tragique, de l'attaque au couteau menée en 2013 contre un soldat britannique montre que ces explosions de violence, aussi révoltantes soient-elles, sont le plus souvent isolées.

De plus, il ne faut pas oublier que la radicalisation n'entraine pas un passage systématique à la violence. Seule une minorité s'engage sur le chemin de la lutte armée.

Tout l'enjeu consiste à détecter et à interpréter en temps réel la menace que cette minorité active représente pour la sécurité de nos États et de nos sociétés. La réponse en la matière est loin d'être simple. Car la tentation est grande de durcir des dispositions existantes pour permettre d'identifier et de neutraliser un petit nombre d'individus. L'histoire récente nous l'a montré, de tels réflexes conduisent le plus souvent à deux dérives : la stigmatisation de communautés entières et la création de lois d'exception entravant les libertés publiques de toute une société.