Les choses se corsent dans le domaine laitier, et Agropur le sait très bien. Les acquisitions de quatre usines de transformation laitières ainsi que celle de Davisco Foods aux États-Unis nous indiquent que la coopérative québécoise tient à demeurer un sérieux concurrent dans le secteur.

Avec l'acquisition de Davisco Foods, la coopérative d'origine granbyenne, propriétaire des marques Québon, Sealtest, Natrel et Yoplaitle, ainsi que du fromage d'Oka, se voit devenir l'un des plus grands transformateurs laitiers aux États-Unis. Les revenus de l'entreprise dépasseront dorénavant les 5 milliards de dollars canadiens, un bond spectaculaire compte tenu de ses débuts modestes en 1938.

Agropur suit bien sûr les traces d'un autre chef de file dans le domaine de la transformation laitière : Saputo, une entreprise extrêmement bien gérée. Saputo a récemment effectué d'importantes acquisitions aux États-Unis et en Australie afin d'exploiter de nouveaux marchés. Avec ses plus récentes acquisitions, plus de la moitié des revenus de Saputo proviennent maintenant de l'extérieur du Canada. Le domaine laitier à travers le monde est en pleine métamorphose, et ces acquisitions démontrent que, malgré une gestion de l'offre ultra-protectionniste au Canada, notre pays n'est pas à l'abri de cette tendance.

Le spectre de la fin d'une gestion de l'offre au Canada bouscule les transformateurs et les invite à regarder ailleurs. Ottawa a toujours maintenu qu'il favorise le maintien de notre système de quotas et de barrières tarifaires abusifs à l'importation de produits laitiers, mais quelques ententes de libre-échange avec l'Europe et d'autres régions du monde dérangeront l'équilibre national entre l'offre et la demande. Bref, c'est l'incertitude qui plane sur le domaine laitier ces jours-ci.

De plus, les forces démographiques au Canada n'aident guère la cause des laitiers nationaux. Puisque la consommation de lait par habitant est en baisse depuis belle lurette au Canada, développer de nouveaux marchés est une option qui a du mérite. Autrement dit, Agropur et Saputo font de la couverture de risque pour l'après-gestion de l'offre, une sage décision.

Les coopératives étant reconnues pour mieux conjuguer avec les cycles économiques défavorables, on ne s'étonne pas de voir Agropur, une coopérative représentant plus de 3000 producteurs laitiers, prendre l'avantage de miser essentiellement sur le principe du bien-être social et économique d'un secteur d'activités. Avec le principe d'une personne, une voix, les ambitions d'une coopérative dépassent rarement sa capacité financière. Dans le domaine laitier, c'est un avantage considérable.

Fonterra, situé en Nouvelle-Zélande et qui appartient à plus de 10 000 producteurs laitiers, génère au-delà de 20 milliards de dollars canadiens de revenus par année. L'entreprise est maintenant responsable d'au moins 30 % des exportations mondiales dans le domaine laitier. La réussite d'une coopérative profite toujours à l'ensemble d'une filière, un résultat qui aidera certes une bonne partie de l'agriculture québécoise et canadienne.

Avec ses plus récentes acquisitions, Agropur fait la démonstration qu'elle est non seulement bien administrée, mais ambitieuse. La filière laitière canadienne en a grandement besoin, compte tenu de son avenir incertain.