Depuis quelques jours, on débat des mérites respectifs de différentes technologies de transport collectif sur le pont Champlain: soit le bus, selon une formule qu'on appelle système rapide par bus (SRB), soit un système léger sur rail (SLR), une manière de métro de surface. Et si la question était mal posée?

Toutes les études coûts-bénéfices ne parviendront pas à nous éclairer sur la meilleure technologie. Ou plutôt si: elles nous amèneront toujours à la solution la moins coûteuse, la moins susceptible de permettre à Montréal de redevenir une ville du transport collectif, ce qu'elle a longtemps été.

Si nous avions procédé ainsi en 1961, l'administration Drapeau n'aurait jamais accepté de construire un métro. Et pourtant, Montréal s'est doté d'un métro, alors que la ville était déjà une ville de l'automobile. Et, aujourd'hui, personne n'ose imaginer ce que serait Montréal sans cet équipement formidable. Si nous voulons développer le transport collectif, il nous faut un peu, beaucoup, de vision. Il nous faut voir sur le long terme et concevoir tronçon par tronçon de véritables réseaux.

SRB ou SLR? L'un et l'autre présentent des avantages et des inconvénients. Au-delà du coût, le principal défaut du SLR est d'imposer aux usagers des correspondances. Il est vrai que les usagers détestent les correspondances, mais si cela permet de réduire les temps de déplacement et d'améliorer la fiabilité du trajet, ce n'est peut-être pas dramatique. Pour s'en convaincre, il suffit de se rappeler que le métro est ainsi conçu: les usagers du bus sont rapidement rabattus sur les stations de métro (ce qui présente au moins l'avantage de réduire les coûts pour la STM). Les usagers ne s'en plaignent pas trop, même si tous préféreraient un service porte-à-porte; les correspondances n'ont d'ailleurs pas empêché le métro de battre des records d'achalandage.

Le SRB n'est pas non plus sans présenter quelques défauts. Il est peut être moins coûteux que le SLR, mais ce n'est pas toujours le cas; l'exemple du SRB Pie-IX n'est pas entièrement convaincant sur ce plan (ni sur la rapidité de la mise en oeuvre d'ailleurs). La capacité des bus est moindre que celle d'un SLR, ce qui permet du porte-à-porte; ce serait même le principal avantage. Mais en pratique cet avantage montre vite ses limites, si les origines et les destinations sont très fortement étalées aux deux extrémités du trajet.

Un projet de renouveau urbain

Les systèmes rapides par bus nécessitent aussi une forte concentration des usagers, ce qui suppose que les destinations sont en nombre très limité, lorsque les origines sont dispersées. Car il est difficile d'imaginer trouver dans un quartier de banlieue suffisamment de gens qui se rendent au même endroit, pour remplir plusieurs autobus; sauf en direction du centre-ville. Il n'est donc pas étonnant que les autobus de la Rive-Sud qui empruntent aujourd'hui le pont Champlain aient pour la plupart comme destination le centre-ville.

Il est clair qu'il faut un mode structurant. Le SRB peut remplir ce mandat à court terme. Le service actuel de transport collectif sur le pont Champlain correspond déjà, en partie du moins, à un SRB. Mais ce service est sur le point d'atteindre sa limite. Si nous voulons augmenter la part des usagers en transport collectif, il faut songer, rapidement, à une autre solution, qui possède une meilleure capacité et, surtout, qui permette de réduire l'impact des centaines d'autobus sur les quartiers traversés, mais pas vraiment desservis.

Quelle que soit la solution technologique qui sera retenue, il importe de profiter de la mise en place d'un nouveau service de transport collectif dans l'axe du pont Champlain, pour vraiment changer la ville, et créer des quartiers plus urbains, plus agréables, tant à Montréal qu'en banlieue, des quartiers où une autre mobilité est possible. Un projet de transport collectif est d'abord un projet urbain. Mais le MTQ peut-il être porteur d'un projet de renouveau urbain? Poser la question c'est un peu y répondre, dès lors que le seul argument est le coût, qui plus est, à court terme.