En 1996, le gouvernement a confié la réglementation des activités de transport et de distribution d'électricité d'Hydro-Québec à un nouvel organisme, la Régie de l'énergie.

Cette décision tenait essentiellement à deux raisons. D'abord, on voulait dépolitiser l'exercice annuel de fixation des tarifs d'Hydro-Québec. Ensuite, il fallait assurer le libre accès au réseau de transport d'électricité d'Hydro-Québec par les producteurs et courtiers en électricité. Hydro-Québec bénéficiait d'un tel accès aux réseaux électriques américains et la Federal Energy Regulatory Commission (FERC) exigeait la réciprocité.

Il n'y a pas grand-chose à dire (ou à redire) sur la question du libre accès au réseau de transport d'Hydro-Québec. Tel n'est cependant pas le cas de l'objectif de dépolitisation du processus de fixation des tarifs de la division distribution d'Hydro-Québec. À entendre les politiciens en campagne électorale, on aurait dit que la Régie de l'énergie n'existait pas. Tous avaient leurs idées sur comment et à quel niveau les tarifs de distribution d'électricité devraient être fixés alors que cette tâche incombe à la Régie. Mais il y a pire.

Depuis l'adoption de la Loi sur la Régie de l'énergie, les gouvernements n'ont pas cessé de modifier cette loi et d'adopter des décrets pour dicter la conduite de la Régie. Ailleurs en Amérique du Nord, on nomme des personnes compétentes pour exercer de telles fonctions et on se fie à leur intelligence et à leur expertise pour fixer des tarifs justes et raisonnables et permettre aux actionnaires des compagnies de distribution d'électricité de réaliser un rendement raisonnable sur leurs investissements.

Une ingérence inusitée

Au Québec, les choses ne sont pas toujours aussi simples. Le site internet de la Régie de l'énergie se gonfle d'année en année de décrets par lesquels le gouvernement fait part à la Régie de différentes préoccupations économiques ou sociales, façon polie de lui dire quoi faire. L'an dernier, cela a atteint son comble. Le gouvernement a adopté un décret (1135-2012) par lequel il demandait à la Régie de fixer les tarifs de distribution de façon qu'Hydro-Québec puisse réaliser un bénéfice net prédéterminé. Pourtant, la Loi sur la Régie de l'énergie prévoit essentiellement que les tarifs doivent être justes et raisonnables.

Des tarifs justes et raisonnables sont des tarifs qui reflètent les coûts de prestation des services (lesquels sont passés au peigne fin par la Régie) et ne doivent pas être plus élevés que ce qui est requis pour qu'Hydro-Québec récupère un rendement raisonnable sur ses investissements. La mesure du rendement raisonnable sur les investissements d'Hydro-Québec n'a rien à voir avec le rendement auquel pourrait s'attendre le gouvernement dans ses exercices budgétaires. L'adoption d'un tel décret était une ingérence inusitée dans le processus décisionnel de la Régie de l'énergie.

Il faudrait que le gouvernement se branche. À quoi sert la Régie de l'énergie si le gouvernement doit régulièrement lui dicter quoi faire et comment le faire? Si le gouvernement veut reprendre la tarification de la distribution de l'électricité, le rôle de la Régie devra être différent. Il y a certainement des arguments qui justifieraient cela. Ainsi, les revenus tarifaires d'Hydro-Québec Distribution pourraient être considérés comme des revenus de l'État presque au même titre que les autres revenus de taxation. Sous cet angle, il y en aurait pour penser qu'il revient alors aux élus et non à des régisseurs non élus de les fixer (no taxation without representation).