Ce n'était qu'une question de temps, je suppose, avant que la «bien-pensance» n'accouche de cet amalgame verbal aussi réducteur que douteux, mais je l'ai entendu samedi à Radio-Canada. Il s'agissait de «racisme» culturel...

Critiquez une pratique culturelle, peu importe laquelle, et vous faites preuve de racisme.

Vous abhorrez l'interdiction faite aux fillettes d'aller à l'école chez les talibans? Raciste. Les crimes d'honneur, largement répandus en Inde et ailleurs vous révoltent? Raciste. Vous trouvez inadmissible qu'un jeune premier déguisé en «fiotte» enfonce un sabre long comme ça dans l'échine d'un taureau éberlué devant une foule en délire? Raciste. Vous condamnez la glorification des gangs de rue véhiculée par le rap «gangsta» ? Alors là...

Bref, vous voyez le genre...

Alors à mon tour d'être raciste: prenez la violence au hockey, une pratique culturelle bien admise chez les Québécois si l'on en croit les nombreuses études démontrant clairement qu'en l'absence de bagarres, les cotes d'écoute et les ventes de billets aux matchs de nos Glorieux dégringoleraient en chute libre. Et bien figurez-vous que chaque fois que les gants tombent, ma réaction est toujours la même et je ne peux m'empêcher de penser: «Quelle bande de babouins!» Et pas juste les joueurs, mais aussi ceux de la foule qui les applaudissent. Voyez-vous des joueurs et joueuses de tennis enjamber le filet pour aller en découdre avec leur opposant à grands coups de raquette?

Ron Fournier dirait que je suis une tapette. Mais je suis bien pire que ça: je suis raciste. Ha ha ha! Tiens, Québécois moyen blanc et à moitié catholique, prends la pleine mesure de mon racisme haineux dans les gencives!

Alors mettons une chose au clair, voulez-vous... Malgré la définition nébuleuse du racisme contenue dans le Dixel que j'ai sous le nez, dans mon livre à moi, le racisme, c'est le rejet totalement irrationnel de l'autre dû à la couleur de sa peau, l'endroit où il est né, son sexe ou même son orientation sexuelle. Et remarquez que j'ai volontairement omis d'y inclure sa religion. Parce que, contrairement à tous les facteurs énoncés plus haut pour lesquels on ne peut absolument rien, il est toujours possible de renoncer aux pratiques culturelles imposées par sa religion. Googlez Ayaan Hirsi Ali, une ex-musulmane de Somalie excisée et promise en mariage qui a réussi à s'extirper de l'obscurantisme dominant dans son pays pour devenir membre du parlement hollandais.

Critiquer une pratique culturelle, peu importe qu'elle soit associée par défaut à une race, une nationalité ou une religion, ce n'est pas un acte insensé de racisme, mais plutôt un geste - bien rationnel, celui-là - visant à valider ou non l'exercice de ladite pratique à travers le débat, l'argumentation et la raison. Ça s'appelle l'avancement de la société.