Comme tout citoyen, Pierre Karl Péladeau doit être félicité pour sa volonté de participer à la politique active. Toutefois, son statut d'actionnaire de contrôle de Québecor, un important groupe média, soulève de légitimes inquiétudes.

Une presse libre joue un rôle trop essentiel en démocratie pour que l'on tolère quelque menace ou anicroche à cette liberté, même si lointaine et ténue.

Bien que M. Péladeau se soit engagé à placer ses avoirs dans une fiducie sans droit de regard et de respecter le code d'éthique de l'Assemblée nationale, ces mesures sont insuffisantes. Elles conviennent aux situations habituelles lorsqu'un membre du gouvernement détient un patrimoine important ou des intérêts dans une entreprise commerciale oeuvrant dans une industrie autre que les journaux et la télévision.

Par contre, l'obligation que certains voudraient imposer à M. Péladeau de vendre tous ses intérêts dans Québecor Média n'est guère plausible et se bute à des obstacles bien réels.

Réarrangement

Non, la solution passe, selon nous, par un réarrangement de la structure de capital et de propriété de Québecor Média et de ses filiales. Rappelons que Québecor devient, année après année, une entreprise de télécommunications (86% des flux monétaires); le secteur des médias écrits et audiovisuels compte ces dernières années pour moins de 32% des revenus et seulement 12% des profits.

- Dans un premier temps, il conviendrait de regrouper les quotidiens, les magazines et TVA dans Groupe TVA, une entité déjà cotée en Bourse dont Québecor Média détient 51,4% de participation économique (et 99,9% des droits de vote). Ce transfert devrait s'effectuer à la juste valeur marchande.

- Pour financer la transaction, Groupe TVA émettrait de nouvelles actions ou effectuerait un placement privé de sorte que la participation économique de Québecor chuterait sous les 50%.

- Les droits de vote détenus par Québecor dans Groupe TVA devraient être ramenés au niveau de l'intérêt économique de Québecor.

- Le conseil d'administration de Groupe TVA inc. serait dorénavant composé d'une majorité de membres indépendants.

En résultat de ces opérations, les journaux et stations de télévision seraient, en droit et en fait, hors de portée de l'influence de M. Péladeau. Celui-ci, par contre, pourrait conserver son statut d'actionnaire de contrôle d'un groupe industriel dans les secteurs des télécommunications, du loisir et du divertissement, etc. Pour ce type d'entreprise, les règles en place suffisent à protéger l'intérêt public.

Les opérations suggérées dans ce texte sont complexes à exécuter, mais ces difficultés sont le prix à payer pour protéger notre vie démocratique.

Il faudrait un certain temps pour mener ces opérations à bon port, mais dès que l'actionnaire de contrôle, M. Péladeau, annoncerait son intention de procéder à cette transformation de Québecor, les risques d'interventions, de conflits d'intérêts, de complaisance et d'autocensure seraient fortement atténués.