J'aimerais maintenant vous parler d'un sujet qui tient à coeur à toutes les personnes dans cette salle, celui de la prospérité du Québec, du bien-être de nos concitoyens et des générations futures. Ce sujet ne cesse de nous hanter parce que nous sommes tous cruellement conscients du fait que nous ne créons pas assez de richesse au Québec. J'aimerais porter à votre attention deux exemples de situations face auxquelles nous ne pouvons rester indifférents.

Un examen des statistiques du produit intérieur brut par habitant de l'année 2012 démontre que sur les 13 juridictions territoriales du Canada, le Québec se classe au dixième rang, avec 44 428$. En incluant les États américains, nous nous classons au 37e rang sur 64. Ce classement inclut tous les citoyens, qu'ils soient riches ou non.

Et si environ 42% des Québécois et des Canadiens ne paient pas d'impôt à cause de leur situation sociale, il en est de même aux États-Unis. Il s'agit donc bel et bien d'un indicateur valable pour la comparaison de la richesse collective.

Pourtant, comme société, nous persistons à nous infliger des torts économiques énormes lorsque nous prenons certaines décisions. Je ne fais pas de politique, mais je ne peux m'empêcher de penser que le projet de Charte des valeurs québécoises est un projet nuisible à notre économie et, ultimement, à notre capacité de financer les programmes sociaux que nos élus voudront favoriser, indépendamment du parti au pouvoir.

Pourquoi en serait-il ainsi? C'est tout simple. L'économiste en chef de la Banque Nationale a démontré clairement que les pays industrialisés qui ne favorisent pas l'immigration sont condamnés à la décroissance économique. Or, à l'étranger, le message de la Charte des valeurs québécoises est perçu comme une stratégie d'exclusion xénophobe, le contraire de la société multiculturelle et ouverte que nous sommes.

Ce message n'est pas de nature à attirer chez nous les immigrants dont nous dépendons pour notre croissance économique. Certains pays qui ont usé de méthodes d'exclusion diverses, tels le Japon et la Russie, l'ont appris à leurs dépens.

De grâce, ne répétons pas les mêmes erreurs qu'eux. Il ne s'agit plus de débattre de la recevabilité de tel ou tel article de ladite Charte; il ne s'agit plus de débattre du mérite de la laïcité; il ne s'agit plus pour la société québécoise de perdre confiance en elle-même et de craindre la différence. Le discours de division et d'exclusion que ce projet engendre est inquiétant et contraire aux valeurs de tolérance qui ont caractérisé le Québec jusqu'ici. Le contraste entre le slogan publicitaire du gouvernement, «Un Québec pour tous», et ce projet de charte, expose un cynisme que notre société ne saurait tolérer plus longtemps, pas plus que l'intimidation d'ailleurs.

Lorsque ce projet est apparu dans le paysage, on se demandait quel problème l'on tentait de régler. À l'heure actuelle, il est manifeste que les divisions qui en découlent causent des problèmes encore bien plus grands. Cela n'en vaut tout simplement pas la peine.

Il vaudrait mieux pour le Québec que cette Charte soit mise de côté. J'en appelle au gouvernement du Québec afin qu'il ait le courage politique de mettre fin à ces démarches humiliantes tant pour les Québécois de longue date que pour les Québécois plus récemment arrivés.

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Nous avons voulu aller plus loin et comprendre ce qui se passe dans la société québécoise. Déjà, le fait que 30% des Québécois aient appuyé la marche des carrés rouges qui a paralysé Montréal pendant plusieurs mois en 2012 et fortement contribué à la chute d'un gouvernement nous avait interpellés. Nous avons donc demandé à la firme de sondages CROP de définir le cadre d'une analyse pour comprendre les motivations des Québécois. L'étude a été réalisée auprès d'un échantillon représentatif de 1000 Québécois vers la fin d'octobre 2013.

Une des premières constatations est le niveau de division des Québécois sur les enjeux étudiés. À titre d'exemple, la prédisposition à l'égard des entreprises divise grandement les Québécois. Environ une personne sur deux reconnaît leur valeur ajoutée dans la société, leur apport, alors que l'autre moitié exprime des attitudes fort critiques, allant même jusqu'au cynisme, croyant que les entreprises causent plus de tort que de bien au Québec.

Je me permets donc d'aller plus loin et d'affirmer que dans ces conditions, il est impossible pour le Québec d'avancer à sa juste vitesse de croisière. Si la première moitié de la population doit continuellement tirer la deuxième moitié vers le haut, nous n'y arriverons jamais.