Denis Coderre a pris la cause itinérante sous son aile et en a fait son cheval de bataille. En bon politicien de carrière qu'il est, il a su tirer avantage de la situation pour se faire du bénéfice politique. Malgré les intentions nobles de M. Coderre, il faut mettre en lumière quelques problèmes réels dans cette approche qui semble quelque peu hâtive et clarifier quelques éléments nécessaires dans la compréhension de la problématique.

Vouloir s'attaquer à un problème de société de cette manière comporte une multitude de risques. M. Coderre voit la résolution du problème dans la recherche de subventions qu'il chiffre à quelque 10 millions. C'est un peu simpliste.

Shirley Roy, professeure au département de sociologie à l'UQAM et responsable du Collectif de recherche sur l'itinérance, la pauvreté et l'exclusion sociale (CRI), voit l'itinérance comme étant une «forme extrême d'exclusion sociale». Nous avons donc deux concepts qui définissent de façon synthétique l'itinérance: «extrême pauvreté» et «extrême exclusion sociale».

L'itinérance se présente sous différentes formes. Elle peut être d'une part «chronique», c'est-à-dire qu'elle s'étire sur une longue période de temps. D'autre part, elle peut être «transitoire» c'est dire qu'elle se vit sur une seule période de temps dans la vie d'un individu. Et finalement, elle peut être «épisodique», c'est-à-dire qu'une personne peut subir l'itinérance à plusieurs moments différents de sa vie sur des périodes de temps transitoires entre la stabilité et l'instabilité. Ce sont là des éléments dont le maire de Montréal ne peut faire abstraction.

Le problème de l'itinérance n'est pas le problème en soi, il est le résultat de plusieurs éléments associés qui poussent les personnes à la rue. Il faut bien sûr s'attaquer à cette finalité qu'est l'itinérance, mais avant toute chose, il faut savoir comment stopper l'hémorragie qui pousse les personnes en dehors du confort que procure un logement.

Pour ce faire, il faudrait construire plus de logements sociaux, comme le propose le FRAPRU depuis des années, par exemple. Nous n'avons pas entendu le maire Coderre en parler dans ses interventions. A-t-on entendu le maire de Montréal se prononcer sur les règlements municipaux qui interdisent aux itinérants d'occuper un endroit public qui leur appartient autant qu'aux autres citoyens?

A-t-on entendu le maire de Montréal parler de la surjudiciarisation des itinérants, dans le métro notamment, où le phénomène se manifeste le plus? Rien. M. Coderre parle de 10 millions et c'est tout. Il ne suffit pas de lancer un chiffre à la hâte pour calmer le jeu et démontrer une volonté de combattre l'injustice sociale que représente l'itinérance. Il faut agir de manière concrète. Le maire agit, mais il agit en bon politicien.

Donc, la question se pose. Ces intentions qui semblent nobles de la part du maire de Montréal sont-elles réellement un réveil des autorités devant une situation criante ou ne sont-elles qu'une autre campagne publicitaire qui vise l'accumulation de bénéfice politique? On ne peut passer sous silence toutes les politiques qui ont pour visée l'exclusion sociale et le nettoyage social des espaces publics lorsqu'on parle de l'itinérance. On ne peut pas passer sous silence la construction de condos de luxe dans des quartiers défavorisés.

L'itinérance n'est que le résultat d'une multitude d'agrégats. Il faut s'attaquer à l'itinérance, mais il ne faut pas oublier qu'il y a une hémorragie sociale qui pousse de plus en plus de personnes vers la rue. Dix millions, c'est bien peu considérant l'ampleur du problème. Ce n'est pas seulement la question de l'itinérance que le maire devrait porter au niveau national, mais tout le problème de l'extrême pauvreté qui touche de nombreuses familles partout au Québec...