Vito Rizzuto, le parrain de la mafia montréalaise, est mort. Déjà, on parle de déstabilisation du crime organisé, de guerres intestines, de successeurs, de dauphins.

Or, force est de constater que malgré son départ, trafic de drogues, prostitution, fraudes, corruption et autres activités généralement liées au crime organisé continueront de se dérouler rondement, sans trop de perturbations.

Il serait assez difficile de croire que Rizzuto aurait contrôlé à lui seul le marché criminel de Montréal, à la manière du PDG d'une entreprise fonctionnant telle une machine bien huilée, structurée et hiérarchique.

Pour commencer, les recherches sérieuses sur les marchés criminels ont depuis longtemps démontré que ceux-ci sont occupés par des réseaux fluides et décentralisés d'individus qui s'organisent en fonction de connaissances communes et de contacts indirects selon les opportunités criminelles qui se présentent.

Il est évident que certains individus, par leur grand réseau de contacts et par leur expérience, puissent avoir plus de poids et d'influence que d'autres. Toutefois, on aurait tort de croire qu'ils ne sont pas, dans une certaine mesure, facilement remplaçables.

Si le crime organisé à Montréal était autant «organisé» qu'on aimerait le croire, cela ferait bien longtemps que les organisations policières l'auraient éradiqué, tout simplement en s'attaquant à ses têtes dirigeantes, paralysant ainsi l'entreprise. On peut parler de mafia, de motards, de gangs de rues, etc., mais dans les faits, ce ne sont qu'une panoplie d'individus, d'entrepreneurs, certains proches, d'autres rivaux, qui tentent tous de tirer profit d'activités illicites d'une façon ou d'une autre.

On mentionne d'ailleurs des alliances entre mafia et motards ou encore la présence de «syndicats» du crime regroupant des membres de différentes organisations criminelles pour accomplir certaines activités illicites. 

N'est-ce pas la plutôt la preuve que tous ces individus font partie d'un même réseau social étendu et versatile, rendant ainsi désuète la conception du crime organisé en termes d'organisations pyramidales et rigides? 

Vito Rizzuto est mort. On ne peut nier l'influence et l'importance du personnage, ayant frappé l'imaginaire collectif du Québec et rappelant par moments le Don Corleone de Brando dans Le Parrain. Il ne faut toutefois pas laisser cette image hollywoodienne de la mafia italienne teinter notre compréhension du milieu criminel montréalais et tirer des conclusions hâtives sur les conséquences de la mort de Rizzuto.

Tant qu'il y aura de la demande pour les produits des marchés criminels, l'offre sera au rendez-vous et ce, avec ou sans le parrain de la mafia montréalaise.