À Madame Élaine Zakaïb, ministre déléguée à la Politique industrielle et à la Banque de développement économique du Québec.

Comme vous le savez, la commission sur l'inversion de flux de la Ligne 9B d'Enbridge s'est terminée mercredi dernier. Vous et votre parti semblez avoir un préjugé favorable envers Enbridge sur cet enjeu.

Je m'oppose à ce projet, d'abord pour les gaz à effet de serre. Vous allez me dire qu'il s'agit de pétrole léger. Cependant, les réserves de pétrole léger sont en chute libre. De plus, Enbridge a demandé à l'Office National de l'Énergie l'autorisation de transporter du pétrole lourd. Ce type de pétrole émet 67% plus de gaz à effet de serre que le pétrole léger d'Algérie. Si on considère que le pétrole qui sera transporté sera du pétrole lourd, l'augmentation de la production causera une augmentation des émissions de gaz à effet de serre de 7,9 mégatonnes de CO2 par année, soit l'équivalent de 2 centrales au charbon ou 1 650 000 voitures parcourant 20 000 km et émettant en moyenne 4 tonnes de CO2.

Pour ce qui est du pipeline de TransCanada, il s'agit d'une augmentation des gaz à effet de serre de 116 millions de tonnes de CO2, soit l'équivalent de 29 millions de voitures. Il est donc paradoxal de lire dans votre mémoire que vous recommandez à Québec de poursuivre la mise en place de mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

De plus, vous semblez faire confiance à la parole d'Enbridge. Or, cette compagnie est responsable de 804 déversements entre janvier 1999 et mai 2010, en plus du déversement de Kalamazoo, le plus grand déversement de pipeline en Amérique du Nord, avec ses 3,7 mil-lions de litres déversés. Il faut aussi mentionner que 117 des 125 stations d'Enbridge sont jugées non-conformes selon les règlements de l'Office National de l'Énergie. Le pipeline 9B d'Enbridge est aussi vieux en âge que celui qui a rompu dans le déversement de Kalamazoo.

Récemment, j'apprenais qu'Enbridge avait remis un rapport complètement caviardé à la commission sur son plan d'urgence en cas de déversement et que cette compagnie distribuait des pots-de-vin aux municipalités pour obtenir leurs appuis. Le nettoyage du déversement de Kalamazoo dure depuis 3 ans et la facture s'élève jusqu'à maintenant à

1 milliard de dollars. Si un déversement de cette ampleur arrivait au Québec, ce seront évidemment les contribuables qui paieraient. On dirait que vous n'avez rien appris depuis la tragédie de Lac-Mégantic.

Vous allez me dire qu'une de vos conditions concerne une unité de vigilance qui serait chargée de faire circuler l'information relative à la sécurité des oléoducs et à la protection de l'environnement. Cependant, votre unité de vigilance est composée de membres d'Enbridge et du ministère de l'Environnement, mais aucun membre des groupes de citoyens et des groupes environnementaux.

Les pipelines ne sont pas sécuritaires pour la vie des gens. Aux États-Unis, les 8000 incidents environnementaux survenus entre le 17 janvier 1986 et le 30 mai 2013 ont causé 500 morts et 2300 blessés. Ce sont des gens qui meurent dans l'explosion d'un pipeline parce que ça se peut, un pipeline qui explose. C'est arrivé en Illinois au mois d'août. Celui qui est arrivé en Chine au mois de novembre a fait 35 morts. Depuis quand les vies humaines sont-elles moins importantes que les emplois? Sommes-nous devenus à ce point du capital humain?

Je joins ma voix à celles de centaines de milliers (peut-être même de millions) d'autres citoyens qui s'opposent à ce projet d'Enbridge. Le lobby pétrolier serait-il plus important pour le gouvernement du Québec que l'environnement?