Depuis le dépôt du rapport de la commission de l'Assemblée nationale sur le droit de mourir dans la dignité, le sujet de l'euthanasie provoque beaucoup de débats au Québec. D'un côté, certains réclament qu'une société de droit comme le Québec permette à ses citoyens de choisir la façon dont ils veulent mourir. De l'autre côté, ceux qui s'opposent à l'euthanasie font appel au besoin de valoriser et de protéger toutes les étapes de la vie humaine.

Malgré ces divisions, il y a tout de même un point de consensus important entre les deux camps: il est essentiel de protéger les personnes vulnérables qui pourraient recevoir l'injection létale sans réellement en avoir fait la demande ou qui pourraient se faire pousser à choisir l'euthanasie par leur entourage. Selon une étude, des personnes vulnérables souffrant de dépression à cause de leur maladie seraient quatre fois plus à risque de demander l'euthanasie et pourraient donc mourir sans avoir reçu de traitements adéquats. On s'entend sur la nécessité de protéger de telles personnes.

À cet égard, le projet de loi 52 a comme objectif d'encadrer l'euthanasie pour éviter les abus potentiels tout en permettant à certains d'y avoir accès. En effet, pour avoir accès à l'euthanasie, le projet de loi 52 requiert que le patient soit majeur, qu'il fasse la demande lui-même, qu'il soit atteint d'une maladie incurable et qu'il estime avoir des souffrances physiques ou psychologiques intolérables. Ces mesures sont-elles suffisantes pour protéger les personnes vulnérables?

Pour répondre à cette question, il est important d'étudier l'exemple de pays comme la Belgique, où l'euthanasie est légale et contrôlée d'une manière presque identique au projet de loi 52. Or, dans ce pays, il existe un écart troublant entre la loi et la réalité. En effet, une étude réalisée en 2010 montre que 32% des euthanasies en Flandre ont été pratiquées sans la demande ou le consentement du patient. Une autre étude publiée en 2010 montre que 47% des décès par l'euthanasie n'étaient pas signalés aux autorités malgré que cela soit exigé par la loi.

Ces données montrent qu'il existe un fossé entre l'objectif de la loi et son application dans la réalité médicale. Les conséquences d'un tel écart sont sérieuses et irréversibles: beaucoup de patients vulnérables, plutôt que de recevoir du soutien psychologique et des traitements médicaux, ont reçu une injection létale sans l'avoir demandée, et ce en dépit d'une loi qui devait les protéger. Tenant compte de la similarité entre le projet de loi 52 et la loi sur l'euthanasie en Belgique, il est fort probable que ce même danger deviendra réalité au Québec si l'euthanasie est permise.

La société québécoise a donc une dure décision à prendre: elle peut choisir de permettre l'euthanasie au nom du droit individuel de chacun, ou elle peut comprendre que l'euthanasie aura inévitablement des conséquences tragiques et choisir de restreindre les libertés individuelles pour protéger une population vieillissante qui sera bientôt à sa merci.