Depuis que l'entente de principe entre le Canada et l'Union européenne est signée, plusieurs ont réagi, et ce même si tous les détails ne sont toujours pas connus. Selon les informations obtenues, l'accord de libre-échange avec l'Europe dépasse largement les attentes du monde agroalimentaire canadien.

Dès le début des négociations, le gouvernement du Canada, en accord avec les provinces, a su éviter les remous qu'avait créés la signature de l'Accord de libre-échange nord-américain en 1988. Toutefois, comme c'est le cas avec tous les accords multilatéraux, certains secteurs y gagneront plus que d'autres.

Cet accord représente un véritable coup de maître de la part du gouvernement Harper. Un coup de maître d'abord pour l'agriculture, qui est toujours un point sensible lors de négociations commerciales internationales; l'entente fait en sorte que 95% des barrières tarifaires imposées aux produits agricoles disparaîtront, et ce, dans les deux sens. Ainsi, les céréales, les oléagineux, le sirop d'érable, les produits maraîchers et plusieurs autres produits agroalimentaires seront exempts de tarifs vers l'Europe. De plus, pour les producteurs bovins et porcins, l'augmentation des quotas européens à l'importation pourrait représenter des gains dépassant le milliard de dollars.

De leur côté, les producteurs laitiers ont réagi avant même le départ de monsieur Harper pour Bruxelles. Ils sont très préoccupés par l'augmentation de plus de 17 000 tonnes du quota d'importation de fromages fins européens. Cette hausse crée une minuscule brèche dans notre système de quotas protectionnistes en ce qui concerne la production de lait et du fromage fin, en Ontario et au Québec. Ces provinces sont en droit de s'inquiéter et de demander l'aide du gouvernement fédéral pour les entreprises touchées par le traité.

On sait que certains secteurs agroalimentaires européens sont fortement subventionnés. C'est pourquoi le gouvernement du Canada a annoncé qu'il offrira aux domaines affectés une sorte de programme de stabilisation des revenus. Ces programmes devront toutefois reconnaître l'esprit novateur de nos entrepreneurs en appuyant le développement de nouveaux produits et de marchés. Il serait futile de compenser ces industries uniquement pour les pertes liées à l'accord de libre-échange canado-européen.

Somme toute, l'accord permettra la survie de la gestion de l'offre, un système précieux pour le Québec et l'Ontario. Cependant, la prochaine manche de négociations multilatérales, pour le Canada, portera sur le Partenariat transpacifique. Selon toute vraisemblance, ces négociations forceront le Canada à faire des concessions encore plus importantes. Ainsi, l'agriculture canadienne, notamment en ce qui concerne la gestion de l'offre, pourrait subir une réforme importante.

D'ici quelques années, en Europe, où le climat politique et économique est davantage fragilisé que le nôtre, le traité ouvrira la voie à une entente avec les Américains. À ce moment-là, il est fort probable que le secteur de la transformation alimentaire, dans l'Est du Canada, enregistre des gains substantiels. Une meilleure fluidité frontalière entre l'Europe et les États-Unis permettra à cette industrie de bénéficier de plus de capitaux et d'une plus grande harmonisation des normes liées au domaine alimentaire.

Pour le Canada, il était donc crucial de s'entendre avec l'Union européenne avant que les États-Unis ne le fassent, puisque notre accord de libre-échange servira de référence pour l'accord Europe-États-Unis. Ce sont les Américains qui devront s'adapter, pas nous.