La Cour supérieure vient d'autoriser un recours collectif à un étudiant de l'UQAM contre le Service de police de la Ville de Montréal. Cet étudiant en travail social est censé représenter quelque 500 manifestants qui avaient été tenus en garde à vue pendant quelques heures à la suite d'une manifestation survenue lors de la grève des étudiants en 2012.

Comme homme de loi, je comprends cette décision; elle se justifie légalement. Mais comme simple citoyen, j'en ressens un certain malaise.

Je ne commenterai pas cette décision de la Cour supérieure, même si je ne la partage pas du tout. Car elle ne se prononce pas sur le fond des choses, à savoir si les policiers ont agi correctement ce soir-là. Elle ne constitue qu'une permission d'utiliser cette procédure inhabituelle qu'est le recours collectif.

Dans cette affaire, la justice s'engage dans une saga judiciaire. Il y aura à l'avenir une multiplication de ces recours contre les forces de l'ordre. On annonce déjà que les anciens carrés rouges du printemps érable préparent une série d'autres demandes de recours collectifs contre les policiers de la SPVM.

Il convient de dire un mot sur l'origine du recours collectif. Il nous vient des Américains, qui disposaient, bien avant nous, d'une procédure appelée «class action», un recours visant à protéger le petit consommateur contre les puissantes entreprises qui les flouaient à l'occasion. Les consommateurs du Québec ont demandé au législateur d'instituer ici le même genre d'action en justice. D'où notre présent recours collectif, en vigueur depuis les années 70.

Quand notre recours collectif québécois a été institué, le législateur a constitué un fonds d'aide au recours collectif. Ainsi, quand le recours est autorisé, ce fonds d'aide avance aux demandeurs les sommes d'argent nécessaires pour mener à bon port leur recours. Évidemment, tout ceci devait se faire aux frais des contribuables.

Maintenant que le recours collectif des carrés rouges a été autorisé contre le SPVM, il sera financé par le Fonds d'aide aux recours collectifs, et on peut s'attendre à des procès longs et coûteux.

Or, quand je vois ce droit de recours collectif accordé à des gens ayant manifesté dans une totale illégalité contre des policiers qui ne faisaient que leur devoir pour protéger le citoyen, je ressens un malaise.

Ces carrés rouges, en contravention avec la loi, avaient refusé de révéler leur parcours, ce qui enlevait toute légalité à leur manifestation. C'est pourquoi les manifestants qui avaient refusé de se disperser avaient été tenus en garde à vue pendant quelques heures. Durant ces événements, il y avait eu beaucoup de provocation et de cassage de vitrines de la part de certains manifestants.

Comment réagirions-nous si les nombreux étudiants qui ont été empêchés par ces carrés rouges d'entrer dans leur collège, pour aller y suivre leurs cours, faisaient eux aussi une demande d'autorisation de recours collectif pour réclamer aux associations étudiantes des dommages et intérêts en guise de compensation pour leurs cours manqués?

Défier des injonctions émises par les tribunaux et empêcher pendant des semaines de nombreux étudiants d'entrer dans leur collège pour y suivre leurs cours, c'est infiniment plus grave que de voir certains manifestants, opérant dans l'illégalité, être maintenus en garde à vue pendant quelques heures.

Le recours collectif est une bonne procédure et il a rendu de précieux services. Nous pouvons être fiers de ce recours qui reflète bien la société de droit dans laquelle nous vivons.

Mais aujourd'hui, je me demande si cette procédure, qui était excellente au début, n'a pas perdu le cap et ne va pas parfois trop loin.

Que cette procédure serve aujourd'hui à châtier des policiers qui n'ont fait qu'essayer de rétablir l'ordre dans une ville qui risquait de sombrer dans l'anarchie, cela m'indispose. Il y a quelque chose qui ne marche pas quelque part.