Vladimir Poutine vient de marquer un coup. Sa proposition, discutée avec John Kerry lors du G20 la semaine dernière, de placer les armes chimiques syriennes sous contrôle international est unanimement saluée. Elle sera très difficile à mettre en oeuvre, mais elle permet à l'Occident de se sortir du pétrin et de revenir au bon sens.

Pour les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France, mieux vaudrait oublier les trois semaines qui viennent de s'écouler depuis les attaques chimiques du 21 août. C'est un condensé de ce qu'il faut éviter dans de telles circonstances: réaction précipitée, retournements embarrassants, preuves douteuses, impuissance à convaincre. Tout a commencé dans la précipitation. Les trois pays ont rapidement accusé du crime le régime syrien, ameuté opinion publique et parlementaires, distribué des preuves contradictoires et mal étayées, rassemblé leurs navires et leurs missiles. Ils étaient prêts à frapper. 

Résultats: le parlement britannique a infligé un camouflet sans précédent au premier ministre en rejetant l'idée même d'une intervention militaire, le Congrès américain est d'une humeur semblable, les opinions publiques bousculées disent un non retentissant, et la coalition se résume à trois pays.

Il faut donc tout reprendre, et la proposition russe ouvre une nouvelle voie: celle adoptée lors de la guerre contre l'Irak en 1990-91. Lorsque Saddam Hussein envahit et annexe le Koweït en août 1990, il franchit une ligne rouge. Jamais, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, on n'avait commis un tel crime contre le système étatique international. 

La réaction a été à la mesure: froide, méticuleuse et foudroyante. Le Conseil de sécurité et les instances internationales ont constaté le crime et documenté les atrocités. Washington a patiemment constitué une large coalition internationale (dont l'Union soviétique) et déployé 700 000 militaires autour de l'Irak. L'ONU a servi un ultimatum. Le 15 janvier 1991, constatant le refus d'obtempérer de l'Irak, la machine s'est mise en marche et a broyé l'armée irakienne.

Il est vrai, l'époque était exceptionnelle et, à la notable exception de l'immense solidarité suscitée autour des États-Unis au lendemain du 11 septembre, ne s'est pas reproduite depuis. Les coalitions ont plutôt affiché un rendement décroissant: 20 pays combattants lors de la première guerre du Golfe, 13 pays au Kosovo en 1999, quatre pays lors de l'invasion de l'Irak en 2003 et 10 pays contre la Libye en 2011.

En avançant sa proposition, Moscou permet aux Occidentaux de reprendre leur souffle et de planifier les prochaines étapes de manière posée et ordonnée. Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, en a proposé les premiers jalons: Damas doit s'engager «sans délai à mettre sous contrôle international et à laisser détruire l'ensemble de son arsenal chimique». 

Cette opération doit se faire sur la base d'une «résolution contraignante» du Conseil de sécurité, avec un «calendrier court et des conséquences fermes» en cas de non-respect. Les responsables du massacre du 21 août doivent être punis. 

Cette séquence d'action ouvre un espace afin de permettre à Washington et à Paris de bâtir une coalition internationale prête à sanctionner le régime et de lancer des négociations afin de trouver une solution au conflit. La mise en oeuvre du plan russe sera difficile, surtout en plein milieu d'une guerre civile. 

Le système d'inspection déployé en Irak au lendemain de la première guerre du Golfe offre cependant des pistes afin d'atteindre les objectifs de la proposition russe. Les inspecteurs ont rencontré mille obstacles et mis six ans à effectuer leur travail. Ils ne se sont jamais découragés et le processus a donné des résultats: les Américains n'ont trouvé aucune arme de destruction massive en 2003. L'affaire est donc possible, ne perdons pas de temps.