Pour la première fois depuis qu'il gère seul la sélection des immigrants, le gouvernement du Québec introduit, à compter d'aujourd'hui, une loterie dans son processus de sélection.

Le ministère de l'Immigration et Communautés culturelles lève ainsi le moratoire imposé depuis avril 2012 sur le traitement des demandes des immigrants investisseurs. Cependant, le Ministère va accepter ces demandes seulement du 1er au 16 août. Ensuite, il imposera de nouveau un moratoire jusqu'au 31 mars 2014.

Pendant cette courte période de 12 jours ouvrables, le Ministère acceptera un maximum de 1750 demandes de certificat de sélection pour investisseurs, ainsi qu'un plafond de 1200 demandes par pays d'origine.

Le Ministère s'attend à recevoir de 5000 à 10 000 demandes. Afin de déterminer lesquelles seront retenues aux fins de traitement, un tirage au sort sera tenu parmi toutes les demandes reçues pendant cette période. Les demandes excédentaires seront retournées sans frais.

Pour être sélectionné par le Québec dans la catégorie des investisseurs, un immigrant doit, par le biais d'un intermédiaire financier québécois, faire un placement de 800 000$ sans intérêts pour cinq ans auprès d'Investissement Québec. Il doit démontrer une certaine expérience de gestion, posséder au moins 1,6 million de dollars d'actif net et pouvoir expliquer l'origine licite de sa fortune.

Il est un peu surprenant que le Québec en vienne à recourir à une méthode américaine de tirage au sort. À l'instar du Canada, il s'est toujours targué de sélectionner ses immigrants au mérite en recourant à une grille de pointage qu'il module en fonction de sa lecture de ses besoins démographiques, culturels et économiques.

Une grille de sélection continuera de s'appliquer en théorie aux investisseurs désignés par le tirage au sort, mais en réalité, le seuil de passage étant très bas (40 points), le placement de 800 000$ valant 25 points, et l'expérience de gestion 10 points, presque tous ceux répondant aux critères de base seront acceptés.

Il est pour le moins paradoxal de faire cohabiter un mécanisme aléatoire qui ne repose sur aucune caractéristique personnelle et une évaluation au pointage basée sur des facteurs personnels. Si nous avons trop d'immigrants qui cherchent à investir au Québec, pourquoi ne pas hausser les seuils de passage, ou surtout les montants exigés?

En ces temps de contrainte budgétaire, il est quelque peu surréaliste que le Québec renonce à des placements de 2,4 milliards sans intérêts pour cinq ans dans l'hypothèse fort vraisemblable qu'il retourne 3000 dossiers excédentaires à des demandeurs après le 16 août.

Par contre, il y a dans ces nouvelles règles un aspect fort intéressant. Le moratoire et le tirage au sort ne s'appliquera pas aux francophones, c'est-à-dire les personnes déposant un test certifié de français attestant qu'ils ont atteint le palier avancé du niveau intermédiaire selon les normes Niveaux de compétence en français langue seconde.

Également, le Ministère modifie quelque peu les règles pour les immigrants de la catégorie des travailleurs qualifiés. Ils doivent dorénavant posséder le niveau de français intermédiaire avancé attesté par un test certifié. Sur ce point, le Québec imite ce que le fédéral exige depuis 2012 en matière d'anglais pour les travailleurs qualifiés se destinant au reste du Canada.

Cependant, sur beaucoup d'autres aspects de sa grille de sélection des travailleurs, le fédéral a imité en 2012 les changements qu'avait apportés le Québec à sa grille en 2009. Notamment, en valorisant la jeunesse et les capacités linguistiques, et en diminuant le poids de l'expérience de travail acquise à l'étranger qui, malheureusement, n'est guère reconnue sur le marché du travail canadien.

Il reste à voir si le fédéral, qui s'inspire souvent et discrètement des initiatives québécoises en matière d'immigration, va introduire une loterie à son tour lorsqu'il lèvera son propre moratoire sur les investisseurs se destinant au reste du Canada.