Qu'est-ce qui permet à Alexandre Duplessis, ancien maire de Laval, de créer une ligne téléphonique éthique alors que lui-même servait de prête-nom? À Michael Applebaum de parler de nettoyer une ville alors que ses propres armoires semblent à tout le moins en désordre? À Jean Charest de se vanter de l'UPAC en croyant que les citoyens avaient déjà oublié combien il défendait son député Tony Tomassi? À Christine St-Pierre de parler de la «violence» des carrés rouges alors que son gouvernement, à coups de contournements des lois, permettait le saccage des terres humides de Laval afin de permettre à des mafiosi d'avoir leur propre quartier?

Il n'y a rien de plus insolant qu'un perfide défendant la vertu. Cela rappelle probablement à trop de Québécois ces milliers de religieux qui avait une main sur le crucifix et l'autre dans leur braguette.

Que ces gens soient dotés d'un ego empêchant toute remise en question, on peut bien l'admettre sans difficulté. Mais le seul ego n'est tout de même pas capable d'un tel aveuglement. Pour qu'une telle conduite soit possible, il faut que ces individus aient de sérieuses raisons de croire à leur immunité.

La domination de l'Église catholique explique beaucoup de ses propres dérapages. Les dérives verbales des juges, les horreurs de la DPJ, la turpitude de diplomates s'inscrivent elles aussi dans cette même dynamique où l'on a permis à l'intérieur d'une société que des organisations et des individus puissent oeuvrer sans que leur travail et leurs conduites ne soient l'objet d'une supervision externe et neutre.

Dans une telle dynamique, il serait lâche de remettre l'entièreté de la faute aux personnes qui ont abusé de la confiance du citoyen. La société n'appartient pas à ces personnes seules, elle est toujours la somme des conduites de chacun.

Des journalistes préférant le «human interest» au réel intérêt des humains, des ministres complaisants, des avocats travaillant sans relâche afin de restreindre les capacités du système judiciaire et bâillonner toute voix dissidente à coups de menaces, jusqu'aux subalternes qui ne disent mot, l'ensemble de ces gens mettent en place la grande impunité.

Le vent change-t-il réellement au Québec? Ou assistons-nous simplement à un nettoyage superficiel, un réaménagement des immunités qui ne conduira pas à quelconque restructuration de la façon avec laquelle les citoyens s'acquittent de leurs tâches, soit celle de s'assurer quotidiennement de rappeler aux gens de pouvoir que ce dernier ne leur confère aucune immunité.

Dans les débats actuels, peu nombreuses sont les raisons permettant de croire que nous assistons à un changement significatif des mentalités.

La poursuite des mêmes conduites hypocrites est désespérante. Comment, à Montréal, supporter Louise Harel ou Richard Bergeron, qui ne se sont pas opposés à l'élection de Michael Applebaum, alors que même les écureuils de Notre-Dame-de-Grâce connaissaient l'aura de scandale entourant le maire intérimaire? Comment croire que la métropole, sans gouvernail ni phare pour la guider, ne soit pas mûre pour une tutelle?

Les paroles vides de sens proférées par les politiciens nous rappellent qu'au pays des humains, les vrais changements prennent souvent des générations.

Il faudrait s'assurer que le citoyen soit rappelé à ses responsabilités et ne se serve pas du cynisme qui monte à ses lèvres pour se réfugier un peu plus loin dans son impuissance et son indifférence. Car c'est surtout de cela que se nourrit la grande impunité.