Beaucoup a été dit sur la diffusion en salles du cinéma québécois et la fréquentation du public ces derniers temps. Durant cette période, la direction de l'Excentris est restée tapie sur la question, concentrée plutôt à résoudre les défis qu'a posés la réouverture du lieu.

Toutefois, nous ne pouvons rester muets plus longuement au sujet d'une affirmation erronée maintes fois entendue. Nous référons à la croyance populaire voulant que les exploitants de salles seraient les premiers (les seuls?) à faire de l'argent avec le cinéma québécois.

L'exploitation de salles de cinéma est à géométrie variable au Québec. D'un côté, quatre chaînes se partagent près de 40% des cinémas, mais 66% des 731 écrans et de l'autre, les établissements indépendants (lesquels sont surtout concentrés en dehors des grands centres) avec les proportions inverses. Les exploitants indépendants contrôlent donc plus de cinémas, mais moins d'écrans.

Autant pour les uns que pour les autres, l'exploitation d'un cinéma requiert une infrastructure conséquente avec certains coûts de base incompressibles: redevances sur les films, main-d'oeuvre, énergie, équipements. Une fois ces coûts assumés, il ne reste souvent plus grand-chose, surtout du côté des indépendants.

D'inférer que les exploitants font leur pain et leur beurre sur le dos des films est non seulement faux, mais quelque peu irrespectueux à l'égard du dévouement des indépendants au maintien de la diffusion en salle. D'autant que de plus en plus de films québécois ayant un potentiel de rejoindre un certain public peinent à frayer leur chemin jusqu'à eux pour des raisons hors de leur contrôle (un enjeu en soi au même titre que la concentration de la distribution et de la diffusion en salle).

Hormis les cas d'exception que sont l'Excentris et le Beaubien/Parc, les exploitants demeurent des commerçants à but lucratif et doivent en ce sens arriver à tirer un bénéfice de leur métier. Oui, les films québécois sont autant de produits culturels financés à même les impôts des contribuables. Mais au risque de nous répéter, la diffusion en salle coûte cher et au bout du compte, il reste très peu de bénéfices possibles en dehors de ceux provenant des produits alimentaires et des machines bling-bling pour certains...

L'industrie du cinéma au Québec est mue par des rouages complexes et en profondes mutations. Nombreux sont les exploitants qui peinent à garder la tête hors de l'eau. L'incompréhension et les jugements hâtifs des uns contre les autres au sein de l'industrie s'avèrent contre-productifs et à l'encontre d'un objectif partagé par un très grand nombre d'entre nous, à savoir le rayonnement des oeuvres québécoises à leur plein potentiel, et ce, autant au Québec qu'à l'étranger.

Quelques mots en terminant sur l'Excentris. À cheval entre le modèle d'un festival à l'année pour une de ses trois salles avec une programmation riche en découvertes et celui d'un exploitant pour les deux autres avec une programmation dédiée au meilleur du cinéma d'ici et d'ailleurs, l'Excentris fait un peu bande à part dans l'univers de la diffusion en salle. Nous poursuivons un mandat unique, non commercialement viable selon les références traditionnelles des exploitants, tout en devant équilibrer les revenus et les dépenses. L'Excentris a été soutenu certes par l'état pour l'acquisition des immobilisations, mais contrairement à la croyance populaire, il ne l'est que très peu au chapitre des opérations (4% du chiffre d'affaires en 2012).

Pour notre première année post-réouverture, nous avons diffusé 184 titres, dont 98 étaient québécois. De nos 4563 projections, 37% ont été dédiées au cinéma québécois et celles-ci ont représenté 32% de nos entrées, des taux largement au-dessus des statistiques nationales (soit 7% et 6% respectivement). C'est là que réside l'essentiel de notre mandat et nous éprouvons beaucoup de fierté à soutenir ces oeuvres québécoises.

Sur le plan financier toutefois, notre bilan 2012 est moins heureux. Nous n'avons pas pu contrebalancer les surcoûts liés à notre mandat particulier avec des titres d'auteur à plus grande portée auprès du public. Nous l'avons déjà dit ailleurs, nous avons eu que très peu accès à ces titres, et ce, malgré nos efforts. Ne cherchez pas le dernier Dolan dans notre programmation de 2012, vous le ne trouverez pas...

Heureusement, nous avons connu une embellie au cours du premier trimestre de 2013, avec un taux d'occupation de 19%. Rien encore pour crier victoire ni pour renflouer le déficit de 2012, les recettes du premier trimestre nous permettent quand même d'espérer le meilleur avenir pour l'Excentris afin qu'il puisse maintenir son rôle inestimable dans la vitalité du cinéma québécois.