La folie de traiter les consommateurs québécois pour des personnes ineptes en matière culinaire persiste. À la satisfaction de la puissante Union des producteurs agricoles du Québec et du ministère de l'Agriculture, la Cour d'appel a infirmé récemment, pour une deuxième fois, le jugement d'un tribunal inférieur dans une cause impliquant la multinationale Unilever.                                                                                                                

Le ministère accusait Unilever de commercialiser sa marque de margarine Becel comme étant un produit qui «goûte comme le beurre». Le tribunal a conclu que l'entreprise dupait les consommateurs québécois en agissant ainsi.

Pendant 21 ans, la couleur de la margarine et des tartinades a dérangé. Et maintenant, c'est le marketing. Unique au Québec, cette empoignade à finir entre le beurre et la margarine qui perdure depuis 1987 vient d'atteindre un autre niveau tout autant irrationnel qu'absurde.

En considérant son étendue, le marché québécois du beurre est considérable. Les Québécois achètent pour plus de 130 millions de dollars de beurre par année. Le consommateur québécois dépense presque 20% de plus à l'achat du beurre que le consommateur hors Québec. L'enjeu financier pour la filière laitière québécoise est compréhensible.

Mais ces tartinades qui agissent à titre de substituts au beurre représentent aussi un enjeu important. Plusieurs producteurs et entreprises agroalimentaires québécoises produisent de très bons substituts santé offerts à prix abordable pour le marché québécois.

Par contre, pour l'UPA et le MAPAQ, l'enjeu politique est moindre puisque le beurre est intrinsèquement lié à une «vache sacrée» québécoise: la gestion de l'offre. Des tarifs exorbitants à l'importation de produits laitiers sont couplés à cette politique. Les importateurs sont assujettis à des tarifs douaniers dépassant 300%, une mesure archiprotectionniste.

Le beurre est un produit laitier qui a bien sûr ses lettres de noblesse depuis fort longtemps. C'est un produit notoire qui a des particularités qui lui sont propres, et les Québécois le reconnaissent. En 2008, le débat sur la couleur de la tartinade a pris fin lorsque le gouvernement a statué qu'il était temps de passer à autre chose. À l'époque, après plusieurs années de querelle, on s'est résigné à croire que la coloration de la margarine ne changerait pas grand-chose. À peine cinq ans plus tard, les ventes de beurre au Québec ont à peine oscillé et se maintiennent toujours à un niveau très respectable depuis la fin de l'embargo. Autrement dit, les Québécois apprécient les propriétés distinctives du beurre, comme ils l'ont démontré au gouvernement québécois pendant plus de 20 ans.

En réalité, l'acharnement du gouvernement québécois sur la margarine fait fi de l'Accord sur le commerce intérieur afin d'éliminer les obstacles au commerce interprovincial. L'objectif premier de l'accord est d'encourager le commerce interprovincial amélioré en traitant des obstacles liés à la libre circulation des personnes, des produits, des services et des investissements à l'intérieur du Canada. Ceci inclut en principe les produits agroalimentaires, et bien sûr, le beurre et la tartinade.

Une telle obstination autour du beurre et de la margarine isole le Québec des autres provinces. En s'opposant continuellement aux entreprises étrangères voulant offrir un choix aux consommateurs à prix abordables, les Québécois pourraient être forcés de payer davantage pour leur alimentation. Plus de 900 000 Québécois n'ont pas les moyens de se nourrir adéquatement.

Paradoxalement, c'est au grand dam des dirigeants de la rectitude politique québécoise que les consommateurs québécois pourraient être protégés par une grande entreprise agroalimentaire, Unilever. Même si Unilever remporte la bataille du marketing, il est fort probable qu'une victoire du géant anglo-néerlandais ne changera pas grand-chose, comme ce fut le cas avec la couleur de la margarine. Mais au moins, l'intelligence du consommateur québécois sera appréciée à sa juste valeur.