Je me demande toujours pourquoi je n'étais aucunement surprise quand, samedi dernier, j'ai lu l'article intitulé «Quand le français se fait discret». En fait, j'ai même laissé échapper un petit rire.

Ô combien de fois ai-je été accueillie par un «Hi!» tout bête à mon entrée dans ces grands magasins aux enseignes anglophones! Quelle horreur de penser que dans la région de Montréal, le premier réflexe des individus est de vous servir en anglais!

Sincèrement, c'est à se demander si la loi 101 existe vraiment.

Paradoxalement, c'est dans les petites boutiques, telles les friperies du Mile-End, que je me suis fait le plus souvent accueillir par un vendeur s'empressant de me parler en français. Ces boutiques tiennent à la relation qu'ils développent avec leur clientèle, ce qui peut expliquer le phénomène. C'est aussi dans ces lieux, à ma grande joie, que je me suis fait demander par une propriétaire anglophone comment bien exprimer tel slogan ou même quelques mots de vocabulaire relatifs aux objets vendus.

Convenons qu'un vendeur qui fait des efforts pour correctement s'exprimer en français est beaucoup plus sympathique à nos yeux qu'un autre, qui nous regarde d'un air qui laisse clairement entendre qu'il ne veut pas faire l'effort de parler en français. Le plus fâchant est que ces derniers sont précisément payés pour accomplir cette tâche! Et pourtant, je suis outrée de voir à quel point cela ne semble pas déranger bon nombre d'individus de mon entourage, qui se contentent d'éviter lesdits vendeurs.

Je ne sais pas si c'est le fait que je sois encore jeune et naïve qui me fait m'indigner sur l'absence de réaction de plusieurs de mes aînés, mais cela me semble anormal que ceux-ci ne soient pas plus attachés à leur langue. Cette résignation, je ne la comprends tout simplement pas: un commerçant se plie inévitablement aux désirs de sa clientèle... C'est à nous de faire savoir aux grandes chaînes qu'un tel service est inacceptable et que leurs vendeurs, dont on peine à faire cracher deux mots de français, eh bien nous ne les apprécions pas.

Il faut croire que personne n'a le temps de se plaindre, d'exiger un service (qui devrait être la norme par défaut). Qu'entre aller trouver des jeans pour la petite Juliette et l'épicerie, il est plus rapide et commode de fermer les yeux sur ce problème.

Avons-nous perdu notre identité de Québécois francophones à ce point? Nous sommes-nous ramollis au point de s'en contreficher?

Miron doit se remuer dans sa tombe.

Et pour tout dire, de façon générale, j'appréhende le recul progressif de l'utilisation de la langue française, puisque ma génération peine à écrire un français respectable, n'aime pas lire et a grandi immergée dans l'influence anglophone. Nous l'apprenons l'anglais, non? Alors pourquoi ne serions-nous pas capables d'exiger un service dans notre langue maternelle? Après tout, nous, francophones, représentons 80% de la population.

Sur ce, je continuerai à prendre un malin plaisir à faire semblant de ne pas comprendre un traître mot de ce que l'on me dit quand je me fais servir dans la langue de Shakespeare, malgré mon bilinguisme, et d'exiger un service en français.