Années 90. Polyvalente en milieu défavorisé. Secondaire 1 et 2. Groupes mixtes de douance. Des parents attentifs au cheminement scolaire de leur enfant, soucieux de leur réussite. Une direction ouverte à l'instauration de classes de douance avec tous les projets associés. Syndicat récalcitrant, mais non envahissant. Voilà pour le contexte.

L'expérience s'avère des plus heureuses. Ces jeunes à qui j'ai enseigné le français ont pris pour la plupart la route du cégep et ambitionnaient un premier diplôme universitaire.

Parmi eux se trouvait une adolescente en mal de vivre. Famille éclatée, père absent, mère maladive. J'accompagne cette jeune élève dans ses moments difficiles et la sauve du pire. Dans les années subséquentes, d'autres enseignants prendront le relais pour le soutien. Malgré de nombreuses difficultés, dont le peu de ressources matérielles n'est pas la moindre, elle se rend jusqu'au baccalauréat pour devenir enseignante au primaire. Engagée comme on en voit rarement.

L'endettement étudiant lui a imposé beaucoup de sacrifices au milieu de la vingtaine: logements minables en colocation, vieille minoune, sorties restreintes - magasinage, on oublie -, mais elle s'en tire si bien qu'elle atteint son objectif de toujours: avoir une famille nombreuse. Cette charge familiale ne nuit en rien à son engagement professionnel. Elle adore son travail et y met toute son énergie. Et... elle écrit un français sans faute. Milieu défavorisé, n'oublions pas.

Cette histoire démontre que le milieu, qu'il soit pauvre ou riche, n'est pas déterminant dans l'orientation aux études. Le goût de l'étude et le talent ne sont pas donnés avec l'épaisseur du portefeuille. L'exemple de mon élève peut être multiplié par milliers dans notre province. Il n'y a ni milieu ni obstacle à qui comprend l'importance de préparer son avenir.

La gratuité scolaire ne donne pas l'essentiel, qui est le goût d'apprendre, de se donner une formation, de se développer comme personne, de se dessiner une carrière pour mieux s'accomplir et mieux vivre.

La première ministre Pauline Marois ferait grand bien à nos enseignants si elle parlait d'eux de temps en temps pour souligner la richesse de leur apport auprès de la jeunesse, de l'importance d'une tâche parmi les plus difficiles, mais aussi parmi les plus passionnantes et essentielles au développement de notre société. Et montrez de l'émotion, madame la première ministre, à l'évocation du plus beau métier du monde. Invitez à la passion du savoir. Démontrez-en l'importance et l'épanouissement qui lui est associé.

J'invite les retraités de l'enseignement à multiplier leurs témoignages. C'est toujours passionnant à lire. Quant à mes études à moi, disons qu'elles m'ont demandé d'énormes sacrifices dont les dividendes sont nombreux, tant matériels que culturels. Un trésor, à vrai dire.