Les travaux de la commission Charbonneau sur la collusion et la corruption dans le monde de la construction ont permis à ce jour de mettre en lumière une série de stratagèmes et de liens entourant l'attribution de contrats d'infrastructures municipales et le financement des partis politiques.

Il est permis de croire que des stratégies similaires sont employées dans le domaine de la construction résidentielle, commerciale et industrielle et qu'elles contribuent de manière significative à la spéculation foncière sur des terres agricoles et à l'érosion systématique des milieux naturels dans le Grand Montréal. La commission Charbonneau doit lever le voile sur ce phénomène.

Les cas abondent, ces dernières années, de projets de développement immobilier réalisés dans des milieux naturels de grande valeur écologique ayant soulevé de sérieux doutes quant aux processus qui ont mené à leur approbation. On peut penser ici au cas de Laval, où 50% des milieux humides ont été altérés ou sont disparus depuis 10 ans au bénéfice de promoteurs immobiliers.

Il a été révélé à l'Assemblée nationale en 2011 que 59 certificats d'autorisation permettant de remblayer des milieux humides avaient été délivrés à Laval entre 2004 et 2010, dont 39 pouvaient être reliés à des contributions aux caisses électorales.

On sait aussi que Thomas Mulcair, alors ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs dans le gouvernement Charest, avait démissionné parce qu'il n'avait pas eu les coudées franches pour protéger les milieux humides de Laval. Dans une entrevue, M. Mulcair affirme que le premier ministre lui aurait dit qu'il ne pouvait faire cela au maire Vaillancourt puisqu'on avait besoin de lui pour les élections.

Mais il ne s'agit que de la pointe de l'iceberg: on révélait à la fin de 2011 que près de la moitié (47%) des terres agricoles de Laval n'appartenaient plus aux agriculteurs, mais plutôt à des promoteurs, des développeurs, des compagnies à numéro ou de simples citoyens. Plusieurs de ces terres sont déjà sous la main des mêmes intérêts souvent mentionnés à la commission Charbonneau.

La spéculation immobilière sur les terres agricoles a pris des proportions inquiétantes non seulement à Laval, mais aussi ailleurs dans le Grand Montréal. Cette spéculation crée des conditions idéales pour alimenter certaines formes de malversations dont la commission Charbonneau est saisie.

Si le cas de Laval est illustrateur, il n'est pas unique. Aussi, il n'est pas étonnant de voir que les municipalités les plus souvent mentionnées dans le cadre de la commission Charbonneau, notamment sur la Rive-Nord de Montréal, sont également celles où l'étendue de la destruction des milieux naturels est la plus grande.

Les municipalités continuent de disposer de pouvoirs importants en matière d'aménagement et de protection des milieux naturels. De la même manière qu'elles peuvent offrir des contrats publics en échange de contributions aux caisses des partis politiques, elles peuvent aussi revoir leur aménagement et modifier leur zonage pour satisfaire des promoteurs. C'est ici que le phénomène tombe sous le mandat de la commission Charbonneau.

Partout dans le Grand Montréal, à Laval, Mascouche, Saint-Bruno, Léry, Châteauguay et ailleurs, les citoyens qui cherchent à protéger leurs milieux naturels sont victimes d'intimidation, de menaces ou de poursuites abusives. Certains ont reçu des messages anonymes, d'autres se sont vus intimidés physiquement.

L'omertà qui entoure les pratiques à l'origine de la destruction des boisés, milieux humides et terres agricoles du Grand Montréal doit être levée. La commission Charbonneau nous offre une occasion unique de le faire.