J'ai bien du mal à comprendre l'indignation qu'on alimente autour du nouvel épisode de la série 19-2 qui «met en scène» - faut-il le préciser - une fusillade dans une école.

Je veux bien croire que nous avons encore en mémoire les malheureux incidents de Polytechnique, Dawson et plus récemment de Newtown, mais est-ce une raison valable de rejeter une oeuvre de fiction de la sorte? Qui plus est, dans le cadre d'une production commerciale, mais avant tout artistique.

Il me semble que les films Elephant (Gus Van Sant) et Polytechnique (Denis Villeneuve) ont pu traiter d'une tuerie dans une école sans qu'il y ait un effet de contagion et d'entraînement, ou encore de traumatisme induit par le petit écran. Quelle est la suite? Abolir la diffusion des films traitant de front de la guerre, du suicide et du viol?

Certes, la violence à la télévision est banalisée, mais est-ce à l'oeuvre de fiction d'en subir les principales critiques? Certains bulletins de nouvelles, par leur traitement sensationnaliste, sont autrement plus coupables. Je pense notamment à ces médias qui se sont empressés de diffuser en boucles et pendant de longs jours les images - cette fois-ci bien réelles - de la tuerie de Newtown.

Ainsi, je m'inscris en faux contre ceux qui affirment que la diffusion de l'épisode par Radio-Canada est une erreur. À mon sens, il apparaît que l'effet de surprise et le choc brutal qu'aurait pu occasionner la diffusion de l'épisode se voient en partie désamorcé par la fuite intentionnelle de l'information sensible par la société d'État. Les gens ont ainsi été prévenus et ont pu s'abstenir de visionner ou se préparer mentalement.

De plus, après visionnement, force est d'admettre qu'il n'y avait point à douter de la capacité du réalisateur Daniel Giroux (PodZ), l'homme derrière Minuit le Soir et Les 7 jours du talion, de traiter avec sérieux ce sujet délicat et aux enjeux multiples. Par une approche hyperréaliste, une caméra à l'épaule, une sensibilité discrète et un montage sophistiqué, le tout conjugue à créer un moment fort de télévision.

Bien qu'il soit difficile de faire abstraction de la valeur sociale et émotionnelle, que peut prendre cet épisode, 19-2 est avant tout une proposition artistique, brutale et sans concession soit, mais qui n'en demeure pas moins bouleversante. Pourquoi, de l'horreur, ne pourrait-il pas naître des instants transcendants?

Ne serait-ce que pour le morceau de bravoure - au sens de geste artistique - que représente le magistral plan-séquence de 13 minutes qui introduit la tragédie, l'épisode mérite d'être visionné.