Comme l'a souligné le président américain Barack Obama, le massacre qui a été perpétré hier dans une école de Newtown, au Connecticut, est l'un des trop nombreux crimes de ce genre auxquels les États-Unis ont eu à faire face ces dernières années. Après l'Arizona, l'Oregon, le Wisconsin et le Colorado, comment expliquer la répétition de ces moments d'horreur? Que révèlent-ils de la société américaine?    

Sans présumer des motivations du tireur, on peut néanmoins souligner la conjoncture particulière dans laquelle ce type de crimes se commet. De manière générale, on constate une augmentation de ces tueries de masse en période de crise économique, comme celle qui subsiste depuis plusieurs années aux États-Unis. Les sociologues ont longuement expliqué comment les liens souvent irréconciliables entre la réalité économique des individus et les besoins créés par le système économique capitaliste pouvaient faire naître des sentiments d'injustice ou d'impuissance tels qu'ils poussent des individus fragiles au crime.

Plus insidieux encore, ce sont les discours politiques radicaux et la banalisation de la violence, tous deux très présents dans la société américaine, qui permettent quelquefois à certains individus de devenir des tueurs. D'une part, les discours d'extrême-droite ou de la droite religieuse peuvent attiser la haine envers des groupes bien précis de la population: les immigrés, les femmes, les homosexuels.

À force d'être montrés du doigt, ils deviennent des boucs émissaires commodes pour des individus violents qui cherchent un coupable pour cette injustice qu'ils pensent vivre, pour ce désespoir qu'ils ressentent. La banalisation de la violence est, d'autre part, le résultat de plusieurs phénomènes: la médiatisation à outrance des tueries de masse, l'accessibilité des armes à feu et la violence à la télévision expliquent, à différents degrés, que de plus en plus de gens considèrent la violence comme une solution possible à leurs problèmes, en particulier dans une société où «passer à la télévision» est considéré comme le summum de la réussite sociale.

Ces crimes haineux dont a parlé Obama, dans le discours fort émouvant qu'il a livré quelques heures après le massacre de Newtown, devront être l'objet de toutes les attentions politiques dans les mois et les années à venir.

De manière réaliste, une législation plus musclée sur le contrôle des armes à feu est à peu près impossible à envisager, même à long terme: non seulement elle ferait face à une vive opposition d'une bonne majorité d'Américains, mais en termes constitutionnels, ce serait toute une aventure puisque les États ont leur mot à dire en ce domaine et on connaît la résistance de plusieurs d'entre eux face à quelque réglementation que ce soit des armes à feu.

Cependant, il faut absolument que les dirigeants politiques prennent leur responsabilité et trouvent des solutions pour limiter ces massacres, pour éviter que des vies innocentes soient fauchées. Quoi qu'il en soit, ces crimes, en raison de leur récurrence, en disent long sur l'effritement des valeurs fondamentales de la société américaine et sur la perte de repères des individus, ce qui va à l'encontre de l'idée du rêve américain, si tendrement chéri par les élites politiques.