Si on s'oppose à certaines subventions accordées à l'industrie culturelle, cela fait-il de nous des opposants à la culture? Le chroniqueur Marc Cassivi pense que oui puisqu'il écrivait dans La Presse du 1er novembre dernier: «Éric Duhaime n'incarne pas une nouvelle contre-culture. Il est contre la culture» en raison de mes prises de position en faveur d'une réduction de la taille de l'État.

Y aller d'un tel sophisme est aussi ridicule que prétendre qu'un opposant aux subventions aux agriculteurs s'oppose à la nourriture. Ou encore de croire qu'un militant pour l'abolition des subventions aux entreprises est anti-création d'emplois.

Affirmer que la culture «n'est pas soluble dans une opération comptable» est tout aussi risible. M. Cassivi tente-t-il d'insinuer que personne ne sait compter au ministère de la Culture? Sinon, j'aimerais bien qu'il m'explique un jour comment on calcule le montant donné en subventions à chaque artiste. Si «la richesse culturelle ne se mesure pas», pourquoi donc la rétribuer et, surtout, comment?

Le chroniqueur laisse entendre que sans investissements publics, il n'y aurait pas de livres, de films ou de théâtre québécois. Il est méprisant pour nos artistes de talent de se faire dire que sans intervention du «gouvernemaman», personne ne serait prêt à payer pour leurs créations.

On peut rassurer M. Cassivi: la culture québécoise existait bien avant l'avènement de l'État-providence et elle lui survivra très certainement.

Les artistes génèrent des retombées positives parfois difficiles à mesurer. Personne ne peut nier, par exemple, l'effet stimulant des arts qui, au même titre que le sport, aident à combattre le décrochage scolaire et à assurer la réussite de l'élève. Ça ne veut pourtant pas dire qu'il faut subventionner les sportifs ou que certaines disciplines disparaîtraient sans subventions.

Le marché laissé à lui-même assure souvent beaucoup mieux le financement des activités les plus bénéfiques pour la collectivité.

Par exemple, la semaine dernière, une étude de la Bank of America révélait que les millionnaires américains consacrent plus de 9% de leurs revenus à la philanthropie, dont une bonne partie au monde des arts.

Si le gouvernement du Québec s'acharnait un peu moins à faire fuir les gens à très hauts revenus, les artistes les plus pauvres s'en tireraient possiblement beaucoup mieux. Le mécénat existe et aurait intérêt à être encouragé plutôt que ridiculisé par des bien-pensants.

Je sais que M. Cassivi n'apprécie pas que je parle de «soviétisation» des arts en progression au Québec. C'est pourtant le mot qui me semble le plus approprié lorsque l'État a trop souvent le droit de vie ou de mort sur un projet culturel. Quand on subventionne un artiste, on le fait au détriment d'un autre.

Le Québec est la juridiction en Amérique du Nord où les entreprises (culturelles incluses) reçoivent le plus de subventions par habitant. Notre gouvernement endetté redistribue ainsi de l'argent emprunté aux prochaines générations pour financer l'artiste ou l'homme d'affaires quémandeur de fonds publics.

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M. Duhaime, qui aime quantifier les choses, sera sans doute intéressé d'apprendre que pratiquement aucun film québécois ne fait ses frais. Pour des raisons évidentes de coûts de production et de public potentiel. Réduire l'investissement public dans le cinéma québécois - un exemple parmi tant d'autres -, c'est condamner à mort, à très brève échéance, notre cinématographie nationale. Si cela ne se résume pas à s'opposer à la culture...

Marc Cassivi