Après le deuxième débat entre Barack Obama et son adversaire républicain Mitt Romney, les partisans du président américain se sont écriés en choeur: «Il est de retour!» L'Obama désengagé et terne du premier débat avait disparu et l'impressionnante figure bien-aimée de la campagne victorieuse de 2008 était réapparue.

Pourtant, selon moi, l'ancien Obama n'était pas de retour. Un nouvel Obama est apparu. L'ancien Obama était jeune, charmant, élégant et plein d'espoir. Son comportement était net, précis et pourtant sympathique. Il a eu des envolées rhétoriques. Son sourire pouvait éclairer un stade.

L'apparence d'Obama lors des deux derniers débats a été plus dure, plus froide, plus triste et plus sombre. Sa bouche était crispée. Son discours était haché, comme sous l'effet d'un contrôle rigoureux et permanent. Il n'a pas eu, il n'a pas pu avoir d'envolées rhétoriques. Le sourire a été rare et contraint. Mais sa maîtrise des détails et des arguments était solide comme le roc. Il s'est exprimé avec une énergie froide et disciplinée.

Un mot pour décrire tout ceci serait «présidentiel», au sens de compétent, chevronné et assagi par la réalité. Mais ce mot connote aussi les qualités redoutables de cruauté et de brutalité que toute représentation honnête de la fonction de président des États-Unis doit comprendre de nos jours. Barack Obama a habité la Maison-Blanche pendant quatre ans: à présent, la Maison-Blanche l'habite.

Deux fois cet automne, Obama a prononcé des allocutions devant des dizaines de millions de personnes, dans son discours d'investiture à la convention démocrate et lors du premier débat. Chaque fois, il a paru à plat. Lors de la convention, il a apparemment tenté de ramener l'ancien Obama, de séduire et de refaire des envolées, mais ce rôle-là n'était tout simplement plus disponible.

Lors du premier débat, il n'y avait plus d'Obama du tout, ni ancien ni nouveau. Il n'a simplement pas daigné se présenter. Peut-être qu'il pensait aussi que, bien avant les sondages, cela ne valait pas la peine d'engager le combat avec un adversaire gênant s'imaginant le remplacer à la Maison-Blanche.

Lors du deuxième débat, la perte de l'ancien Obama était apparemment acceptée et un nouvel Obama vivant, réel, disponible et travaillant maintenant dans le Bureau ovale a fait sa première apparition.

La présidence a-t-elle endurci Obama? L'a-t-elle malmené? Il y a des raisons de le croire.

D'abord, Obama a peut-être reçu des coups plus forts de la part de son opposition politique que la plupart des présidents. Le thème de la vie d'Obama, clairement exprimé dans ses éloquentes mémoires Dreams from My Father, est la réconciliation. Cela devait être le thème de sa présidence.

Alors, quand une opposition républicaine idéologiquement implacable dans ses premiers jours au pouvoir lui a rejeté sa vision au visage, en adoptant une politique d'opposition de la terre brûlée, le rejet était plus que politique: il a touché à son être même. Les rêves de son père étaient terminés et il n'est resté, comme il ne s'en est aperçu que très lentement, que le pragmatisme sans thème qui est devenu le signe distinctif de son mandat.

Incapable de trouver un terrain d'entente avec l'opposition républicaine, il a conclu des accords avec les autres pouvoirs qui entourent immédiatement la présidence: les militaires et l'appareil de sécurité, les grandes sociétés pharmaceutiques, les grandes banques et les grands médias. Peut-être plus importante encore a été son autorisation en faveur de la violence et de la répression des droits: les frappes de drones qui ont tué des enfants et des terroristes, l'envoi vain de troupes en Afghanistan, le maintien en fonction de la prison de Guantánamo.

Tout cela aussi figurait à l'arrière-plan de l'apparition publique de l'homme en scène pendant les deux débats. Et s'il est élu, c'est cet homme qui va gouverner. L'Obama de 2008 ne reviendra pas. Il est parti pour toujours.

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