Si vous n'étiez pas déjà cynique, les dernières nouvelles sur le dopage du champion Lance Armstrong ou de la corruption alléguée à l'hôtel de ville de Montréal, ou ailleurs dans l'industrie de la construction, vous inciteraient sûrement à le devenir.

Toutefois, la réaction à ces révélations me paraît non seulement malavisée, mais peut-être dangereuse. Je parle du recours instinctif à la promulgation de nouvelles lois restrictives pour y faire face.

Par les temps qui courent, les lois contre la corruption se multiplient et les règles quant au financement des partis politiques ont été resserrées. Malgré cela, le maire de Montréal, Gérald Tremblay, et son parti, Union Montréal, ont proposé lundi de les resserrer encore davantage. Ils proposent de réduire la contribution individuelle maximale de 1000 à 200$. Quant à l'opposition, elle la ramènerait à 100$.

La proposition d'Union Montréal nous servira d'exemple de cette inflation législative, mais on pourrait facilement en trouver d'autres. Pourquoi ce recours à la loi est-il problématique?

Parce qu'il reflète l'idée que la solution aux problèmes sociaux complexes repose d'abord et avant tout sur l'élaboration de nouvelles règles juridiques.

Dans le cas de la corruption, la mise en place d'une nouvelle règlementation apparaît inutile, car le comportement dont il est question était déjà illégal. D'ailleurs, a-t-on jamais suggéré que les acteurs concernés ignoraient le caractère illégal de leurs activités douteuses? Non.

Il ne s'agit donc pas d'un problème de prohibition ou de méconnaissance de la loi. Mais examinons davantage notre exemple de la proposition d'Union Montréal.

Dans un contexte où la capacité d'assurer le respect de la loi existante s'est avérée faible, on nous propose maintenant de renforcer celle-ci. L'effet en serait que des comportements permis jusqu'à présent deviendraient eux aussi illégaux.

C'est illogique.

Revenons à l'exemple sportif de Lance Armstrong. Il est indéniable que les régulateurs du cyclisme se retrouvent confrontés à un problème sérieux de non-conformité aux règlements sur le dopage.

Cependant, ils ne tenteront certainement pas d'y remédier en ajoutant à la liste des substances illicites des substances ou des techniques d'entraînement qui sont bénéfiques pour le sport. Or, par analogie, c'est ce que nos élus proposent dans le contexte politique actuel. Puisque la mise en oeuvre et l'administration des lois existantes ont échoué, il n'y a pas lieu d'en ajouter d'autres.

Par ailleurs, en plus d'être probablement infructueux, le recours à la loi peut être néfaste. Il peut nous induire à supposer que nos élus sont en train de s'occuper de façon significative des problèmes qui nous perturbent.

Un autre danger: abaisser la contribution maximale aux partis politiques ternirait des comportements qui sont non seulement légaux, mais aussi bénéfiques pour la démocratie, en leur donnant une apparence d'illégitimité. L'objectif, quant au financement des partis, doit être d'éliminer les activités illicites. Il ne doit pas être de réduire l'importance des activités légales, au contraire.

Étant donné que tous les malfaiteurs connaissaient l'illégalité de leurs actions, la solution n'est probablement pas d'élargir l'étendue des prohibitions. Il faut examiner d'autres pistes de solutions qui auront davantage trait à la mise en oeuvre et à l'administration des lois plutôt qu'en promulguer des nouvelles.

Admettons que nos élus ressentent une forte pression, soit de faire quelque chose dans un temps de crise, soit de paraître faire quelque chose.

Il incombe toutefois aux électeurs de résister à ce recours séduisant, mais inutile à la loi.