D'aussi loin que je me souvienne, je devais avoir 8 ans quand j'ai vu ma première course de vélo; c'était en 2003.    

Ce matin de juillet, mon père s'installe devant la télé du salon dès les petites heures du matin pour écouter le prologue du Tour de France. Les deux principaux coureurs à surveiller sont l'Allemand Jan Ullrich - l'éternel numéro deux - et, bien entendu, l'Américain Lance Armstrong - quadruple champion en titre et super favori. Comme il le fait si bien, Lance écrase la compétition ce jour-là. On annonce que la course est déjà bouclée.

Durant les trois semaines suivantes, nous avons néanmoins droit à de nombreux rebondissements: Ullrich qui reprend une minute trente à Armstrong dans un contre-la-montre, ce dernier qui s'illustre par un retour fulgurant après une chute dans l'Alple d'Huez ou encore par son célèbre raccourci dans un champ pour éviter une chute. Et, comme d'habitude, quelques petites rumeurs de dopage planant sur le champion en titre.

En y repensant, j'ai bien choisi mon premier Tour de France: ce fut l'un des plus excitants et marquants de l'Américain. Je m'en souviens parce que ça m'a marqué. Ça m'a inspiré.

C'est par la suite que j'ai commencé ma propre carrière de cycliste en empruntant la voie du vélo de montagne. Je n'étais pas très bon (pour ne pas dire mauvais), mais je m'y plaisais tout de même. C'est ce qui compte, j'imagine. Parfois, j'aimais bien m'imaginer les deux bras pointés vers le ciel, comme le champion qui m'avait fait découvrir ce sport. À force d'y penser, et peut-être aussi parce que je préfère simplement le bitume à la bouette, j'ai décidé un peu plus tard de m'orienter vers le cyclisme sur route.

Malgré une première année assez difficile et des résultats qui, je dois l'avouer, n'ont jamais vraiment été à la hauteur de mes espoirs, j'étais (et je suis toujours) réellement passionné par ce drôle de sport.

C'était fascinant pour moi de voir ces champions à la télé, mourants sur leur bécane jour après jour devant nos yeux. Bien sûr, mon innocence d'enfant de 8 ans avait alors à peu près disparu: je savais bien qu'ils étaient tous dopés. Je m'en fichais.

Même si j'ai aujourd'hui accroché mes souliers «à clips», je m'installe encore chaque matin de juillet devant un écran pour regarder le Tour. Franchement, je me fiche toujours de savoir lequel de mes héros s'est fait épingler.

Ce que j'essaie de dire, ce n'est pas que l'on devrait permettre le dopage dans le sport professionnel. Au contraire, la lutte contre ce fléau me tient à coeur et je rêve du jour où nous regarderons le sport - le cyclisme, comme le hockey ou le football - en étant convaincus que les athlètes n'ont jamais aperçu une seringue de leur vie. Je n'ai peut-être pas tout à fait perdu mon innocence après tout...

Ce que j'essaie de dire, c'est que Lance Armstrong, comme la plupart des grands champions tous sports confondus, évoluait dans un milieu où tout le monde était dopé. Ne soyons pas naïfs: il était simplement le meilleur des dopés.

Ce que j'essaie de dire, aussi, c'est qu'un champion ne se mesure pas seulement au nombre de maillots jaunes qu'il a remportés, mais également au nombre de gens qu'il a réussi à toucher. Entre ses victoires sur le vélo et celle contre le cancer, Lance a certainement inspiré des millions de gens. Il m'a aussi un peu aidé à découvrir ce magnifique sport sans lequel je ne serais pas le même. C'est pourquoi, à mes yeux, il restera un champion. Peu importe.