Je ne peux pas parler de l'Amérique du Sud, mais j'en connais un bout en ce qui concerne l'Afrique. J'y suis né et j'ai passé des années à prospecter dans des régions perdues où j'avais la charge non seulement de mes travailleurs mais aussi de leurs familles. Accès ( construction de la route), logement (construction du camp), ravitaillement( s'assurer que la route soit praticable en tout temps), soins( évacuation des malades et des femmes en voie d'accoucher), parfois la paie et bien entendu le rendement. Je ne parle pas de blessés parce qu'en vingt ans je n'ai jamais eu de blessé sérieux. Chance ou prévision? Les deux.

Ce que les compagnies minières ne comprennent pas c'est, qu'en Afrique, elles ont aussi une responsabilité sociale.

Construire des écoles et des dispensaires est méritoire mais c'est loin d'être suffisant. Lorsqu'elles s'installent dans une région pour exploiter un gisement, elles empiètent sur des territoires utilisés par les autochtones, depuis des temps immémoriaux, à assurer leur subsistance. Du jour au lendemain, ils perdent leurs moyens d'existence moyennant des compensations dérisoires.

Il faut savoir que les gouvernement africains ne se préoccupent absolument pas de ce qui se passe dans la brousse. Les locaux sont laissés à eux-mêmes et ils se débrouillent. Tant et aussi longtemps qu'on leur laisse leurs terres. C'est pourquoi les compagnies minières devraient s'employer à compenser les dérangements qu'elles occasionnent.

Comme par exemple relocaliser les villages. S'entendre avec les chefs locaux pour remplacer les terres perdues. Amender les nouvelles terres qui n'ont jamais été cultivées parce qu'elles sont trop acides. Eventuellement irriguer car les autochtones ne cultivent qu'en saison des pluies. Peut-être un peu de mécanisation. Le tout sous supervision rapprochée par des expatriés dont le rôle sera de s'assurer que tout ce qui est fourni soit bien utilisé. Et que les villageois fassent leur part. Il n'est pas question de faire des cadeaux mais de les aider à se suffire à eux-mêmes par des moyens modernes.

Une question que Barrick Gold n'a même envisagée. Pas étonnant que les villageois essaient de survivre en grattant le stérile rejeté par la mine. Ils n'ont plus de terres et pas de fertilisant. Au lieu de construire, à grands frais, une barrière qui est presque inutile, ils auraient dû permettre aux autochtones de grappiller leur stock de stérile en s'assurant qu'il n'y ait pas débordement. Un ou des expatriés, accompagnés d'un adjoint local et de la police de la mine. S'assurer qu'ils ne dérangent pas les opérations et qu'ils opèrent dans des conditions sécuritaires. Interdire le creusement de puits de plus d'un mètre de profondeur. Eventuellement donner un coup de main pour évacuer ce que les villageois rejettent, qui encombre le site et empêche d'étendre les travaux. À la sortie, acheter leur production. Et permettre ainsi à des milliers de gens de nourrir leurs familles.

Un projet qui comprend non seulement l'exploitation, mais aussi de l'agriculture et, dans le cas de Barrick, une exploitation artisanale. Le produit de l'agriculture servira à nourrir les autochtones mais aussi en cas de surplus de leur fournir un boni pour éventuellement s'autofinancer.

Il est impératif d'apprendre aux autochtones ce que signifie conscience professionnelle et intégrité. La condition sine qua non pour assurer la survie de l'entreprise. Ils sont capables de travailler très dur, mais ils n'ont plus aucune confiance dans leurs dirigeants. Avec raison d'ailleurs. Tricher est devenu une seconde nature. Rouler ou extorquer les expatriés est un sport national. C'est là que les expatriés interviennent. Ce qui signifie qu'on ne peut pas mettre n'importe qui en charge de tels projets. Les gens plus âgés n'ont plus d'illusions et sont parfois plus pourris que les autochtones. Les jeunes sont idéalistes, mais l'expérience leur fait défaut. Tout un programme, aurait dit de Gaulle.