Le français n'en souffre pas

Le français n'en souffre pas

Les Québécois ont reçu un choc lorsque la ministre de l'Éducation, Marie Malavoy, a évoqué la possibilité que l'enseignement de l'anglais langue seconde dans les écoles francophones du Québec soit repoussé aussi tardivement qu'à la 4e ou 5e année du primaire.

Mme Malavoy a fait valoir qu'un tel changement est nécessaire afin d'améliorer la qualité des compétences langagières des élèves en français. Son plan reflète sa conviction que l'enseignement précoce de l'anglais compromet les compétences des élèves en français. En d'autres termes, elle croit que, au premier cycle du primaire, les élèves ne sont capables que de gérer l'apprentissage du français et que l'acquisition d'une langue supplémentaire mettrait en péril cet apprentissage.

Il n'existe aucune preuve scientifique probante permettant d'étayer ses craintes. Au contraire, un nombre considérable de données scientifiques démontre que les jeunes enfants ont la capacité d'acquérir le langage de façon innée et naturelle, mais également que cette capacité ne se limite pas à l'acquisition d'une seule langue.

Nos propres recherches, menées auprès d'enfants montréalais vivant dans des familles où le français et l'anglais sont parlés couramment, démontrent qu'enfants bilingues et unilingues passent par les mêmes étapes du développement langagier et au même âge. Les enfants bilingues peuvent atteindre un niveau de compétence dans chacune de leurs deux langues qui est aussi élevé que celui des enfants unilingues, tout en apprenant deux fois plus dans le même laps de temps.

La capacité naturelle que possèdent les enfants à acquérir le langage se prolonge jusqu'aux premières années du primaire. Apprendre aux enfants d'autres langues alors qu'ils sont jeunes est naturel, simple et efficace. Il n'existe aucune donnée scientifique permettant de conclure que le protocole actuel d'enseignement de l'anglais, qui prévoit une heure d'enseignement par semaine dès la première année du primaire, pourrait menacer la compétence en français des élèves québécois.

Plutôt que de poser une menace à la langue française, l'enseignement de l'anglais, ou de toute autre langue, augmenterait même les compétences des élèves québécois en français. Les enfants qui connaissent une autre langue ont une meilleure connaissance du vocabulaire, de la grammaire et des fonctions communicatives de leur langue maternelle.

S'il semble évident que nous devons soutenir et protéger la langue française au Québec et dans l'ensemble du Canada, priver les jeunes écoliers de la compétence en anglais, une habileté essentielle au XXIe siècle, n'est probablement pas la meilleure façon d'atteindre cet objectif.

Fred Genesee, psycholinguiste à l'Université McGill.

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Oui au cours intensif... mais pas à tous

Je ne suis pas péquiste. Je ne suis pas souverainiste. Je ne peux toutefois qu'être en accord avec la ministre Marie Malavoy en ce qui concerne l'anglais intensif en 6e année du primaire.

J'ai moi-même, en 2002, suivi un programme d'anglais intensif lors de mes trois derniers mois à la petite école. Un choix que jamais je n'ai regretté, et qui m'a certainement permis de devenir la personne bilingue que je suis aujourd'hui.

Dans cette petite école de quartier de la couronne nord de Montréal, les trois classes de 6e année étaient divisées selon les besoins des élèves et les demandes des parents. Ainsi, deux classes offraient l'anglais intensif, tandis qu'une classe proposait le programme «informatique», implanté en parallèle avec la matière tout au long de l'année scolaire. Les élèves plus faibles n'ayant pas eu accès aux classes d'anglais n'en ont jamais eu conscience.

Est-il nécessaire que tous les élèves québécois passent obligatoirement par un programme d'anglais intensif? Pas nécessairement. Serait-il possible d'offrir un choix aux parents d'élèves, tenant compte des besoins et des difficultés de leurs enfants? Le programme d'anglais intensif doit-il absolument occuper 50% de la dernière année du primaire?

Loin de moi l'idée de minimiser l'importance d'apprendre l'anglais dans le Québec de 2012. D'ailleurs, les cours d'anglais dès la première année sont, à mon avis, indispensables. Il faut cependant tenir compte des besoins de chaque région, des besoins des élèves en difficulté et des intérêts des petits afin de retenir leur motivation scolaire, si problématique de nos jours. Une classe avec option art dramatique, une avec option informatique et une avec option anglais intensif, pourquoi pas? Un peu d'imagination et de planification permettrait non seulement d'accroître les connaissances en anglais de ceux qui le désirent, mais aussi de conserver la prochaine génération sur les bancs d'école, et ainsi de bâtir un Québec plus fort.

Noémie Ouellette, Boisbriand.

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Pourquoi nous isoler?


Quand j'entends la ministre Malavoy souhaiter abolir le programme d'immersion anglaise en 6e année en prétextant que l'anglais est une langue étrangère, je suis outrée. Sur quelle planète vit-elle? Veut-elle rendre la population québécoise isolée du reste du monde? L'immersion anglaise est une idée formidable. Ne l'abandonnons pas!

J'ai 47 ans, je suis de la génération qui a commencé timidement à apprendre l'anglais en 5e année. Aujourd'hui, je souffre terriblement de ne pas parler l'anglais davantage. Mon travail m'amène à discuter avec des anglophones de partout dans le monde. Mon anglais est horrible et j'en suis désolée.

J'adore la langue française. J'aime lire en français, j'aime écrire dans ma langue d'origine. J'aime regarder les films français et québécois. Mais les années 2000 sont à des années-lumière de cette idéologie péquiste selon laquelle l'anglais nuit au français. Faire apprendre l'anglais correctement, c'est un cadeau à faire à nos enfants.

Mes deux fils de 13 et 16 ans ont eu la chance de participer à ce programme d'immersion anglaise. Quelle belle expérience! Dieu soit loué, ils ont pu le faire avant l'abolition projetée par la ministre. Mes deux fils se débrouillent plutôt bien dans la langue de Shakespeare. Je n'ose pas le dire trop fort, mais je suis jalouse et je les envie d'avoir eu cette chance que moi je n'ai pas eue. Ils s'expriment en français impeccablement et malgré leur jeune âge, ils écrivent la langue française sans faute. Je suis très fière de leur parcours.

Quand le patron de mes fils leur demandera de représenter à San Francisco l'entreprise québécoise pour laquelle ils travailleront dans quelques années, ils ne subiront pas l'humiliation. Ils seront à l'unisson avec le monde entier.

Mme Malavoy, faites aimer la langue française dans les écoles du Québec, faites-la rayonner, mais n'enlevez pas un outil indispensable au monde d'aujourd'hui et de demain.

Cindy Gilbert, Montréal.