On me reprochera probablement de prêcher pour ma paroisse. J'estime néanmoins que mes 11 années de pratique du droit me permettent d'affirmer en toute légitimité que nous possédons au Québec un excellent système judiciaire dont nous pouvons être fiers.

Je ne prétends toutefois pas que notre système est parfait et que notre justice est à l'abri de l'erreur et imperméable aux bévues. Sous la rubrique des imperfections, il suffit de souligner la longueur des délais, la lourdeur des procédures, la clémence de certaines sentences et les coûts astronomiques pour le justiciable moyen qui doit s'y frotter. Mais notre système judiciaire ne craint pas l'introspection et ses acteurs sont constamment à la recherche de solutions pour l'améliorer, en faciliter l'accessibilité et en solidifier les fondations.

J'éprouve donc un certain malaise devant le portrait que semble tracer L'affaire Dumont de notre système judiciaire, qui transpirerait apparemment d'incompétence. Je suis perplexe devant cette conclusion tirée à même un cas d'espèce qui ne saurait être représentatif des milliers de causes entendues par nos tribunaux chaque année.

Mon malaise se décuple par ailleurs devant la sortie de Danielle Lechasseur qui déclare douter de l'innocence de Michel Dumont. Voilà donc qu'on brasse les pièces du casse-tête à coups d'hypothèses, de suppositions et de faits nouveaux, remettant ainsi en question l'équité et la justesse de la décision de la Cour d'appel rendue en 2001 et suggérant la possibilité que la véritable erreur judiciaire se cache entre les lignes de ce jugement.

Malgré les efforts du journaliste pour confronter Danielle Lechasseur aux contradictions de son récit, le plateau d'une émission de télévision ne sera jamais une cour de justice où la présentation de la preuve, les procédures et les plaidoiries sont soumises à des règles strictes et à l'autorité du tribunal.

Je veux bien admettre que mettre le pied sur la route du système judiciaire s'apparente parfois à un pèlerinage sur le chemin de Compostelle et que ce sentier est souvent semé de cailloux qui font trébucher. Mais au terme du périple, si les jugements peuvent causer déception et stupéfaction, rarissimes sont ceux qui peuvent raisonnablement être qualifiés de fondamentalement injustes.

La succession de «révélations-chocs» des derniers jours est malheureuse puisqu'elle tourne le fer dans une plaie encore sanguinolente qui ne s'est jamais complètement refermée. Mais surtout, ces événements viennent semer le doute dans l'esprit de la population quant à la fiabilité et à l'intégrité de notre système de justice. À qui incombe la responsabilité de cette controverse? Si les auteurs du film peuvent plaider que leur oeuvre reste une fiction, il est en revanche plus difficile pour la victime et les témoins d'expliquer leur silence passé et la soudaineté de leurs confidences.

Enfin, il faut se rappeler que l'ultime vérité, celle avec un grand «V», reste détenue par deux individus: Michel Dumont et Danielle Lechasseur; eux seuls savent ce qui s'est réellement passé, ou pas, un certain soir de l'année 1990 à Boisbriand. Et il y aura toujours le doute, celui avec un grand «D», que le meilleur et le plus infaillible système judiciaire du monde ne parviendra jamais à dissiper parce qu'il reste tributaire d'une vérité qui ne nous appartient pas.